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d’intelligence et d’aptitude au travail que ceux des autres pays. La preuve est qu’à l’Université de Tôkyô, on délivre tous les ans plus de cent diplômes.


III

Une des questions les plus compliquées, au Japon comme ailleurs, est celle du logement et de la nourriture des étudians pendant leurs années d’Université. Ils sont à l’âge où l’esprit subit le plus facilement l’influence de l’entourage et de l’exemple, où l’on oublie volontiers les principes reçus dans la maison paternelle. C’est alors que les meilleures natures se corrompent. Une visite d’inspection dans les différens établissemens fréquentés par les jeunes gens, dans les pensions où ils sont logés, entretenus et nourris pour quelques yens[1] par mois, m’a démontré, hélas ! le danger couru. Si les conditions matérielles y sont mauvaises, l’atmosphère morale est infiniment plus malsaine et dépravante. Dans une étroite chambre qui suffirait à peine à une seule personne, on loge au moins deux étudians et souvent plus. L’air ne manque pas, assurément, car les maisons japonaises sont construites en bois et en papier ; mais cet air des faubourgs est vicié. La nourriture, quand elle est conforme aux usages japonais, c’est-à-dire composée de légumes et de poissons, n’est pas indigeste ; mais toutes les fois qu’on adopte la nourriture européenne, comme l’usage s’en répand de jour en jour, celle-ci est rarement bonne, et la viande, de qualité inférieure, est toujours mal préparée.

Les conditions morales sont encore plus précaires et plus pernicieuses. Dans ces pensions, il n’y a ni contrôle, ni discipline. Les jeunes gens sont livrés à tous leurs caprices, à toutes leurs fantaisies et subissent l’influence délétère d’amis mal choisis. Les conséquences sont naturellement déplorables. On pourrait remédier au mal en multipliant les associations amicales, les clubs, les Debating Societies ; mais ces lieux de réunion pour les jeunes gens sont malheureusement encore rares et sans organisation. En attendant que leur nombre s’accroisse, rien ne rappelle ces groupemens sociaux d’intérêts communs grâce auxquels la vie universitaire en Amérique et en Angleterre

  1. J’ai visité des maisons où les étudians payent 4, 5 et 6 yens par mois pour être logés et nourris. — Le yens vaut un ou deux shillings, soit 1 fr. 25 ou 2 fr. 50.