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Nous revenons sur un sujet souvent traité ici, non pas toujours sous le même titre, mais toujours avec la même insistance, pour déclarer qu’il faut absolument faire naître chez les générations nouvelles les sentimens de la responsabilité, leur donner du caractère. L’éducation morale n’a, d’ailleurs, pas d’autre objet, et c’est pour cette raison que nous cherchons à inculquer un esprit religieux. La religion n’est peut-être pas l’unique base sur laquelle repose le sentiment moral, mais elle est la plus sûre et la plus facile à établir, et elle est surtout, pour une très grande majorité d’êtres humains, la plus solide et la plus inébranlable : mais quelle que soit d’ailleurs la base, nous demandons à nos enfans de devenir des citoyens moralement forts et consciens de leurs propres responsabilités. Ce besoin commence à se faire sentir, nous le constatons avec plaisir, et nous pouvons ajouter qu’un ministre de l’Instruction publique marqua son début, l’an dernier, en faisant un appel passionné en faveur de la moralisation de nos enfans. Cet appel s’est renouvelé dans un discours prononcé à la conférence des Éducateurs nationaux où était encore invoqué le Rescrit impérial qui expose les idées fondamentales d’une instruction morale. Il y a d’autres indices qui montrent que les instituteurs et les parens commencent à comprendre la nécessité d’une instruction morale, et du développement du caractère chez l’enfant. Nous n’avons pas à les énumérer, il vaut mieux expliquer le fait.

Il y a quarante ans, toute instruction au Japon reposait sur une éducation morale, il n’y en avait pas d’autre. Aux Samuraïs, il est vrai, on enseignait les arts de la guerre, mais cet enseignement était toujours mêlé de préceptes moraux. Depuis lors, tous ceux qui ont tenu dans leurs mains les destinées du Japon avaient été élevés selon ses traditions ou bien étaient nés de parens qui les leur transmettaient. Aujourd’hui, tout le monde admire le Bushido, mais ce merveilleux Bushido n’est que le résumé de l’éducation religieuse d’autrefois, qu’ont connue et suivie ceux qui ne sont plus jeunes, et peut-être leurs enfans. Cependant, à mesure que le nouveau système s’étend, les parens se désintéressent peu à peu de l’éducation de leurs enfans, et les précieuses traditions du vieux Japon sont abandonnées et oubliées ; nul n’essaie de les conserver. Le danger est devenu pressant. Pour être civilisée et grande, une nation doit avoir un foyer d’idées auquel sa nature morale puisse se réchauffer. Il faut prendre des mesures contre toute diminution de cette force, diminution inévitable pourtant, si ceux à la garde desquels nos enfans sont confiés pendant que leurs âmes sont malléables et impressionnables, ne montrent pas plus d’ardeur à éveiller chez leurs élèves les notions du bien et du mal, du devoir et du sacrifice afin d’en faire sortir des caractères forts. La génération qui succédera à la nôtre sera ce que cet enseignement la fera. Or, la transition d’une génération à une autre se fait rapidement. Les paroles du ministre de l’Instruction publique méritent d’être entendues, nous espérons qu’elles le seront.


Pour mieux faire comprendre l’importance de la question de l’éducation publique au Japon, nous allons donner, avant d’aller