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harmonie pessimiste un peu obscure et dépourvue, elle aussi, de tout procédé artificiel quelconque. Il faut rapprocher de Gérard d’Houville la comtesse Mathieu de Noailles dont la Nouvelle Espérance, le Visage émerveillé, la Domination ont eu un grand retentissement. Enfin, joignons à ces noms celui de Claude Ferval, l’auteur si distingué de le Plus fort, publié en 1902, la Vie de château, en 1904, de l’Autre Amour, son premier roman, qui parut dans la Revue ; ceux de Mme Adam, de Pierre de Coulevain, auteur de Noblesse américaine, d’Eve victorieuse, et de ce joli livre Sur la branche, qui est un grand et légitime succès, — et Daniel Lesueur, André Gladès, disparue à l’heure même où son jeune talent commençait à s’affirmer, — Jacques Vontade, Jean Bertheroy, Myriam Harry, qui toutes ont su conquérir l’estime du public lettré. Entre toutes, je dois rendre hommage, ici même, à l’art probe et délicat de Mme Th. Bentzon, dont la mort, survenue il y a quelques mois à peine, vint priver la Revue de l’une de ses plus anciennes, de ses plus brillantes et de ses plus aimées collaboratrices. De rares et solides qualités littéraires ne servirent jamais qu’une inspiration constamment élevée, noble et bienfaisante. Mme Bentzon eut des curiosités psychologiques internationales, que traduisirent les Américaines chez elles, — Choses et gens d’Amérique et tant d’ouvrages pleins d’observation, de bon sens, de pénétration et d’esprit, révélateurs, en quelque sorte, sur les principaux aspects de la vie féminine américaine. Mais il y avait, en outre, dans le tempérament de ce délicat et laborieux écrivain, une sève romanesque qui s’est heureusement répandue en des œuvres idéalistes très remarquables comme l’Obstacle, Un remords, Constance, Jacqueline, Tony, A Trianon et surtout Au-dessus de l’abîme, dont le souvenir est demeuré, je n’en doute point, très présent aux lecteurs de la Revue.

Quelle peut bien être la cause déterminante de cette levée de plumes soyeuses ? N’interrogeons point ceux d’entre nous qui se sont délibérément montrés sévères, à l’exemple de M. Maurice Maeterlinck, lequel constate une absence complète de vie mentale chez la femme et qui estime l’œuvre féminine dépourvue, presque toujours, de pensée, d’idées générales et de poids intellectuel. Demandons plutôt son opinion à l’un des artistes les plus pénétrans de la nouvelle génération, parmi ceux que déjà la mort a fait disparaître. Répondant à une enquête