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part, dans l’Automne d’une femme, de donner le pas à la sentimentalité sur les sens. L’indulgence d’ailleurs n’empêche point chez lui la pénétration, et, s’il est toujours prêt à défendre et à excuser les coupables dans la passion, sa lucidité laisse intactes toutes ses facultés de jugement. Il voulut un jour écrire la contre-partie des Demi-Vierges : c’est alors qu’il publia les Vierges fortes (Frédérique et Léa), œuvres dans lesquelles il passait à l’étude du problème féministe et se faisait connaître comme un moraliste soucieux des plus ardus problèmes de l’époque. Enfin, dans celui de ses romans qui, avec les Demi-Vierges, attira le plus l’attention et suscita les plus vives discussions, Monsieur et madame Moloch, M. Marcel Prévost s’est adonné à une ingénieuse étude comparative des deux tempéramens opposés que l’Allemagne actuelle offre à la curiosité du psychologue, en même temps que des deux formes de patriotisme qui départagent présentement les âmes germaniques. Dans un cadre joliment tracé, divertissant par la causticité même de son exactitude, il a mis en présence le vieil esprit poétique et tendre jadis en honneur au pays de Schiller et l’esprit prosaïque, commercial, militariste à outrance qui s’est, peu à peu, substitué au premier. L’ensemble du roman, dont la donnée fut discutée, offre une réelle séduction.

Mais je ne puis oublier que je songeais à parler de féminisme littéraire. J’avais en vue le groupe opulent des femmes écrivains qui se sont emparées du roman et qui, depuis Mme Marcelle Tinayre jusqu’à telle novice maladroite, ont envahi les avenues d’un genre où, d’ailleurs, des devancières illustres se sont promenées avant elles. Qu’il me suffise de mentionner ici quelques noms. Voici d’abord Gérard d’Houville, curieuse amoraliste dans l’Inconstante et dans Esclave. Nous ressentons, à lire les romans de Gérard d’Houville (Mme de Régnier), une impression irrésistible d’art classique et simple, exempt de tout élément factice et de tout maniérisme. L’aisance du récit se retrouve dans le style même qui, net, souple, fluide, poétiquement rythmé même, unit la couleur intense à la plus rare sobriété. Si les images en sont riches, en effet, la contexture générale en demeure bien française. Gérard d’Houville a une égale horreur des complications de thèses et des phrases alambiquées. L’émouvante tristesse de l’amour, les souffrances de la passion dans ses égaremens, voilà ce qu’elle traduit le plus volontiers avec une