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il l’est dans le sens français, c’est-à-dire qu’il subordonne l’émotion à la raison, mais qu’il ne dédaigne aucun des élémens d’art propres à la première de ces facultés. Doué d’un tact très net pour atteindre la vision exacte des choses, il décore ce réalisme d’une langue châtiée et pittoresque, qui est la pure langue classique française. Il s’est très vite dégagé de tout ce qui devait paraître trop voulu dans sa conception légèrement ironique de la vie provinciale. Après Sainte-Marie des Fleurs ou après le Parfum des Iles Borromées, on eût pu croire qu’il allait entrer sans esprit de retour dans le roman passionnel. Or, et le fait est curieux à remarquer, soit dans Mademoiselle Cloque, soit dans la Becquée, soit dans l’Enfant à la balustrade, l’amour n’apparaît plus ou, s’il intervient, il ne joue qu’un rôle très bref : il n’est jamais le principal élément d’émotion. Bientôt, en dépit de la Leçon d’amour dans un parc, — essai de roman leste assez longuet, — M. Boylesve atteignit pleinement son « genre » et son originalité : le roman des mœurs de province, qu’il a voulu rajeunir, renouveler, électriser, dirais-je volontiers, par une intense préoccupation d’art, par une ciselure verbale minutieuse et par un grand fonds d’indulgente bonhomie.

Précis, pur, un peu maniéré parfois, le style de M. Boylesve a comme principal mérite une sobriété relevée d’exactitude. Ses dons d’analyse sont variés ; son élégance de moraliste intelligent et indulgent se revêt d’une grâce souriante où s’amalgame un mélange d’ironie et d’émotion contenue. À la fois romancier de la province et écrivain classique, M. Boylesve nous offre un détour aisé pour arriver au groupe des romanciers néo-classiques que domine M. Henri de Régnier. Ne le quittons pas, néanmoins, avant d’avoir rappelé le nom de M. André Beaunier, — aussi divertissant observateur des milieux bourgeois ou mondains dans les Dupont-Leterrier que philosophe averti et moraliste délié dans Picrate et Siméon ou dans le Roi Tobol.


V

On a prononcé, en effet, le mot de renaissance classique, à propos de certaines œuvres qu’un rare souci de perfection dans la forme semble avoir marquées et qui nous révélèrent successivement le talent de M. Anatole France, de M. André Gide, de M. Pierre Louys, de M. André Lichtenberger, de M. Ch.-H.