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édifiantes ! — des scènes tragiques, où aucun détail d’observation n’est oublié. M. Barrès a d’ailleurs résumé lui-même judicieusement la thèse des Déracinés : « L’Université, a-t-il écrit, méprise ou ignore les réalités les plus aisément tangibles de la vie française. Les élèves, grandis dans une clôture monacale et dans une vision décharnée des faits officiels ou de quelques grands hommes à l’usage du baccalauréat, ne comprennent guère que la race de leur pays existe, que la terre de leur pays est une réalité et que, plus existant, plus réel encore que la terre ou la race, l’esprit de chaque patrie est pour ces fils l’instrument de libération. »

L’Appel au soldat pose un cas de psychologie de l’âme populaire. Le boulangisme en fournit le sujet : cette crise elle-même ne fut, en somme, que le dernier soubresaut de colère et de révolte contre les abus d’un parlementarisme dégénéré. A côté de ce mouvement, on découvre une très curieuse étude psychologique de la « popularité. »

Leurs figures constitue la planche la plus creusée, la plus corrosive, la plus implacable et la plus juste qui ait été burinée d’après l’âme parlementaire. M. Barrès y a montré combien « la peur » demeure toujours son secret mobile. Tout le scandale de Panama est consigné ici avec une verve à la Tacite et à la Saint-Simon, dans des pages soulevées par l’indignation et le mépris. Le style en est vif, coloré, incisif, les images saisissantes, le mouvement emporté : à chaque page surgissent des traits mordans et de vraies trouvailles d’expression.

C’est aussi le parlementarisme qui est pris à partie dans les Morts qui parlent, où le vicomte Eugène-Melchior de Vogué étudie l’histoire contemporaine en philosophe. Il rattache les événemens à leurs causes les plus lointaines, il recherche leur prolongement probable dans le temps et extrait de la vie de chaque jour ses élémens substantiels et significatifs. L’idée « du passé opprimant le présent » est le principe qui anime les Morts qui parlent. N’est-il pas remarquable que MM. Barrès, de Vogué, Edouard Rod, aient attaqué avec ensemble les politiciens, à une heure où tout en France semble organisé pour les politiciens et par eux ? La thèse des Morts qui parlent est que les hommes qui, aujourd’hui, sont censés représenter le peuple au parlement, ne sont que des fantoches incarnant les idées des conventionnels. Donc, maintenant encore, les morts sont nos maîtres réels. Ce livre est pris sur le vif de la réalité.