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l’inébranlable conviction d’un relèvement futur. Comment eussent-ils pu, sans cet optimisme, mener à bonne fin une œuvre dont chaque page devait rappeler un découragement, un malheur ou une souffrance ? La fusion des deux personnalités qui y collaborèrent prête au style, en divers endroits singulièrement impersonnel, un accent très émouvant ; ailleurs, les écrivains ont réussi à faire jaillir d’incidens simples ou intimes une émotion singulière. A côté des tableaux dont nous sommes frappés, nous pouvons suivre dans ces romans une analyse compréhensive et serrée de l’âme et de l’esprit militaires. Et ainsi ces descriptions d’épopée se haussent à la valeur d’un véritable enseignement psychologique.

Avec MM. Paul Bourget et Maurice Barres, le roman social devait acquérir pleinement ce dernier caractère.


IV

Ainsi que M. René Doumic l’a bien indiqué, le roman social, tel que l’entendent M. Paul Bourget et son école, se préoccupe avant tout de la lutte entre le passé et le présent, des conflits qui surgissent entre l’idéal d’hier et celui de demain, de la bataille engagée entre les intérêts individuels et les intérêts familiaux, des vicissitudes que traverse l’idée de famille, — par la crise du mariage, par la déchéance de l’autorité paternelle, — et, enfin, des haines de classes.

Les idées sociales dont M. Paul Bourget a systématiquement pris la défense depuis le Disciple, mais qu’il a développées à l’exclusion presque de toute autre dans ses deux études les plus typiques et les plus considérables, — l’Étape et Un divorce, — peuvent se ramener à quatre et se résumer dans la défense de la famille, de l’Eglise, de la monarchie et de l’aristocratie[1]. Par-là se dégage le caractère nettement contre-révolutionnaire de son œuvre présente. Ce n’est point par des raisons de sentiment ou par l’effet de ses tendances politiques, que l’auteur de l’Étape et du Divorce y est arrivé. Il a observé les règles de tradition et de vie des sociétés, — et tout ce qu’il a écrit depuis dix ans n’est que le résultat de cette observation, — en

  1. Depuis que ces pages furent écrites, M. Bourget a donné dans l’Émigré une suite digne d’elles aux deux œuvres magistrales dont il est surtout question ici.