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mouvemens de l’histoire politique instantanée : c’est l’œuvre de M. Anatole France, dans le Mannequin d’osier, dans l’Anneau d’améthyste, dans l’Orme du Mail, où, si plaisamment, nous apparut le significatif M. Bergeret. Mais ici la forme, incomparable d’élégance sobre et de nette limpidité, atténue la violence cachée des idées, et c’est pourquoi ce romancier, — qui se révéla artiste si voluptueux dans le Lys rouge, — trouverait sa place naturelle parmi les conteurs auxquels nous attribuons la présente renaissance du classicisme.

Les vrais protagonistes de cette sorte de roman sont M. Paul Adam et MM. Paul et Victor Margueritte. Leurs œuvres les plus récentes nous permettent d’admirer d’abord le don particulier qui leur est commun de faire se mouvoir les vastes ensembles, et d’évoquer puissamment les épopées de l’histoire.

Avant d’insister sur la carrière fournie par ces romanciers dans la direction qui nous occupe, arrêtons-nous un instant encore aux causes génératrices de cette nouvelle transformation opérée dans la fiction romanesque. Le terme même de « roman collectif » appartient, je crois l’avoir dit, à M. René Doumic[1]. D’après lui, la fortune sensationnelle du nouveau genre serait le résultat d’une sorte de fatigue ressentie par le public et par les auteurs eux-mêmes à l’égard de la littérature purement Imaginative. Il y aurait à discuter si les symptômes relevés dans le déclin de certaines formes de cette littérature, et qui pourraient venir d’une surproduction exagérée, doivent être considérés comme l’indice d’une sorte d’épuisement dans les facultés d’invention, d’analyse, d’observation, de création enfin chez les romanciers actuels. Et de même, il n’est pas démontré que les auteurs aient voulu, pour rajeunir le roman, en faire une manière de compromis avec l’histoire, en substituant, de propos délibéré, à une œuvre presque uniquement fantaisiste et fictive, un travail surtout documentaire. Il est aisé de s’en apercevoir si l’on parcourt les derniers parus parmi les principaux romans d’histoire qui sont presque tous sortis d’une inspiration patriotique et du culte pour les résurrections légendaires. Mais nous estimons très exactes les causes que M. René Doumic invoque ensuite pour expliquer le succès du roman collectif. Elles semblent indépendantes de tout épuisement dans les facultés des romanciers ou dans la sève du genre lui-même.

  1. Études de Littérature française, 5e série, par René Doumic, chez Perrin.