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Non, puisque, dans la multiplicité des romanciers indépendans qui semblent n’appartenir à aucun de ces courans, quelques-uns se sont imposés au public d’une manière irrésistible. C’est ainsi que l’évolution de M. Joris-Karl Huysmans vers l’art catholique nous a valu des œuvres fortes et singulières ne relevant presque plus de l’imagination, mais plutôt du genre des mémoires et de l’autobiographie, et qui resteront comme de ferventes études lyriques d’art religieux. La Cathédrale, Sainte Lydwine de Schiedam, l’Oblat, les Foules de Lourdes ont achevé l’œuvre qu’En route faisait entrevoir déjà. De tels travaux, qui contribuent à l’exaltation de la pensée catholique, permettent de joindre aux fidèles de la tradition cet ironiste terrible et courroucé, cet idéaliste enflammé qui, en même temps, demeure un tenant du réalisme incorrigiblement amer, un écrivain savoureux à la plume corrosive, pittoresque et comme perforante. Sans doute ; M. Huysmans fut attiré vers l’Eglise par le prestige de sa grandeur morale et par le culte qu’il portait en lui de la beauté mystique. Gardons-nous néanmoins de négliger le symptôme de ce retour vers l’Eternelle combattue, à l’heure grave dont le glas sonne à nos oreilles et, nous reportant au début du XIXe siècle, après la tourmente révolutionnaire, songeons qu’un élan analogue — toutes proportions gardées d’ailleurs ! — trouva son incomparable expression dans le Génie du Christianisme

L’exotisme, enfin, a été développé par le goût des voyages et par les facilités nouvelles que créèrent les incessans progrès scientifiques. Ce sera, apparemment, le durable prestige dont l’œuvre entière de Pierre Loti demeurera auréolée, que l’âme des races enfantines ait pu trouver dans cette œuvre une aussi saisissante expression, en même temps qu’elle y trahissait toute sa grâce voluptueuse et un peu obscure. Depuis dix ans environ, — et jusqu’aux Désenchantées, l’un de ses succès les plus retentissans, — Pierre Loti a surtout fixé dans ses écrits les souvenirs d’une existence aventureuse, avec des silhouettes et des fantômes d’Extrême-Orient. Cela forme une série d’ouvrages où son originalité de peintre inimitable de l’exotisme s’est montrée toujours grandissante : les Reflets sur la sombre route, Vers Ispahan, la Troisième Jeunesse de Mme Prune, l’Inde (sans les Anglais), les Derniers Jours de Pékin, etc. Dans ce dernier volume, par exemple, — qui nous reporte aux événemens dont la Chine fut le théâtre après