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d’aujourd’hui leur doit un renouveau d’exactitude, un rajeunissement pittoresque, une attention plus soutenue et plus éclairée dans la peinture des milieux, ainsi que le souci d’un cadre élargi et précisé, souci presque inconnu jusqu’à Madame Bovary.

N’hésitons point, en revanche, puisque c’en est ici l’occasion, à rendre le naturalisme responsable de l’une des plaies qui ont le plus violemment attaqué l’organisme du roman moderne depuis le jour où l’école de Médan parvint à triompher. Je veux parler de la pornographie littéraire. Ce n’est pas que la grivoiserie et même l’obscénité ne soient toujours demeurées comme un feu latent qui couve à toutes les époques dans les sous-sols du donjon romanesque, et cela, je le crois bien, dans toutes les littératures. Car c’est fort injustement que la langue française, véhicule universel des idées et des sentimens, se trouve incriminée par le fait de tous les impudens qui, pour arriver à une profitable diffusion, lui empruntent son admirable lexique. Sans nous occuper même des ignominies fabriquées en terre batave et mises au compte de la France, il ne faut pas oublier que les livres français les plus audacieux et les romans les plus cyniques restent plutôt des articles d’exportation. Lus à l’étranger, presque uniquement par des étrangers, — auxquels il serait bien aisé pourtant, s’ils le voulaient, de trouver dans leurs propres officines de quoi satisfaire leurs goûts les plus spéciaux, — ces ouvrages contribuent à faire la fortune du lieu commun légendaire « de la corruption française, » non moins que celle du cliché classique sur le « dévergondage » de la littérature au pays de Molière.

Cette protestation contre un préjugé qu’il est assez agaçant de voir entretenir avec une ferveur trop intéressée pour n’être pas tendancieuse, ne peut nous dispenser d’admettre la responsabilité de quelques-uns des plus célèbres écrivains dans cette délicate matière.

C’est un signe des temps nullement négligeable, que certaines investigations, jadis abandonnées aux exploiteurs de scandale ou réservées à quelques spécialistes dissimulés, soient aujourd’hui pratiquées au nom d’un prétendu droit de tout dire, par des artistes supérieurement doués d’ailleurs.

Parfois même, ce culte d’un amoralisme aisé, très favorable aux dilettanti, pousse des esprits blasés, las du bel air et des vices alanguis, jusqu’aux pires recherches, et l’on voit des