Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quelques observateurs hâtifs en ont conclu à une riche et nombreuse diffusion d’écoles : n’en faudrait-il pas plutôt déduire l’absence d’école maîtresse, ou même une sorte d’anarchie confuse à laquelle serait livré momentanément ce domaine de la littérature d’imagination ? Pour peu qu’on y veuille réfléchir, on sera bien forcé de reconnaître qu’il n’y a plus d’écoles aujourd’hui, mais bien des influences et des imitations, et que les apparences d’écoles encore subsistantes répondent seulement à quelques groupemens arbitraires. La confusion qui semble régner dans les productions actuelles de nos romanciers n’est, aussi bien, qu’une répercussion de l’anarchie générale à laquelle tendent les ardeurs fiévreuses de notre époque. Si, pourtant, nous en venons à rechercher quelles causes ont pu amener ce fléchissement des maîtrises dirigeantes, nous en découvrirons de singulièrement diverses.

Il faudra noter, principalement, l’individualisme impérieux dont la littérature française se pénètre de plus en plus, à mesure que tous les genres donnent un peu l’impression d’être épuisés et que chacun, néanmoins, poursuit une originalité trop souvent fuyante ou inaccessible. Mais, presque au même degré, devrait entrer en ligue de compte la débâcle du naturalisme. Elle ne fit que précéder le déclin où semble tombé à son tour le roman de psychologie pure, né lui-même d’une réaction contre l’école antérieure. Il y a vingt ans, le roman naturaliste, sorti du réalisme relatif de Balzac et de la conception pessimiste de Flaubert, régnait absolument. Il s’effondra vite, parce qu’il eut le tort de borner toute son esthétique à la description exacte et méticuleuse des milieux et des mœurs, et parce que, comme on l’a dit, « à force de ne voir partout que des faits, on avait oublié les idées. »

Les idéalistes, ayant d’abord profité de cette chute, choppèrent contre recueil opposé. Pour avoir voulu régénérer le roman par l’emploi d’une psychologie presque uniquement dressée à surprendre et à noter le jeu des plus furtifs mouvemens de l’âme, ils ont quintessencié à l’excès, ils ont trop raffiné, trop subtilisé ; ils sont vite devenus ennuyeux. Toutefois, ni le naturalisme, ni l’école psychologique ne disparurent sans laisser des traces de leur influence. Un grand nombre d’œuvres notoires dérivent, actuellement encore, de Flaubert, des Goncourt et aussi de Zola. Le roman