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et de journées réduites, aux frais de la municipalité, c’est-à-dire des contribuables, et, entre autres contribuables, des autres ouvriers, qui supportent par la hausse de l’impôt leur part des frais de l’expérience ? La vérité n’est-elle pas que ces travailleurs municipaux, classe privilégiée, sont des électeurs ? Sur 14 millions de salariés, il y a en Angleterre 2 millions de salariés municipaux (ouvriers et employés). De quelle force électorale ne dispose pas cette armée, conduite par un syndicat puissant, l’Association of municipal employees, et nombre d’autres organisations locales qui jouent vis-à-vis des municipalités le rôle des Trades Unions vis-à-vis des patrons ! Il y a à Londres, 60 000 salariés municipaux, soit 8 pour 100 du nombre des électeurs londoniens et 17 pour 100 du nombre des votans effectifs. A Glasgow, les salariés municipaux représentent 7 et demi pour 100, et, en mainte autre ville, de 5 à 8 pour 100 du total des électeurs. On voit le danger de cette situation, j’entends la porte ouverte à la corruption électorale sous ses diverses formes : d’abord, sous sa forme courante, le favoritisme, la pression politique exercée par les élus en faveur de leurs créatures, puis le marchandage électoral, l’appel aux surenchères, l’achat des votes par les promesses : « Votez pour moi et vous aurez la journée de huit heures avec 30 shillings par semaine[1] ! » Peu à peu, les salariés municipaux deviennent les maîtres des municipalités : « Bientôt, écrit un Anglais[2], ce ne seront plus les assemblées de villes qui emploieront leurs employés, mais ceux-ci celles-là ! » Naguère, à West Ham, les conseillers socialistes, élus sur mandat impératif, signaient d’avance leur démission en blanc, et « le sort de toute question à résoudre par le Conseil était réglé d’avance par le groupe socialiste en réunion secrète[3]. » Le gouvernement urbain se transforme ainsi en un gouvernement par syndicats et hangers-on ; la menace du spoils System apparaît sur les brisées du municipalisme. Comment s’étonner que devant cet état de choses, aggravé d’ailleurs par l’énorme développement de la bureaucratie municipale, il n’ait pas été besoin de scandales financiers tels que ceux qui ont éclaté récemment eu divers endroits, notamment à West Ham, pour que l’opinion se soit

  1. Darwin, op. cit., p. 158. — Times du 16 septembre 1902.
  2. J. A R. Marriott, Fortnightly Review de décembre 1902, p. 970. Cf. Porter, op. cit., p. 93.
  3. Times du 16 septembre 1902.