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pas les reins au Conseil de comté de Londres ! » Depuis lors, le mal n’a fait que croître. Lord Avebury[1]n’en veut pour preuve que l’ordre du jour (agenda) de ce même Conseil pour sa séance du 31 juillet 1900, par exemple : 43 rapports de commissions, plus de 500 « résolutions » (dont bon nombre visaient plusieurs millions de dépenses ou des questions sérieuses de principe), plus 18 notices of motion, le tout à régler en une après-midi ! D’autre part, du fait des lois de suffrage élargi, du fait aussi des progrès du municipalisme, la valeur moyenne, la capacité normale des membres des assemblées municipales a baissé. Autrefois ils se recrutaient surtout dans le commerce, l’industrie ; on avait des hommes compétens, habitués aux affaires et qui géraient celles de la ville comme ils faisaient les leurs. Peu à peu le personnel a changé ; les industriels ou commerçans capables, suspects à la démocratie, peu soucieux d’ailleurs de contribuer au développement d’entreprises municipales, qui parfois venaient les concurrencer sur leur propre domaine, et dont ils avaient en tout cas à payer les frais sous forme d’impôts surélevés, quittèrent souvent la place pour être remplacés par une majorité d’hommes nouveaux, n’ayant ni les traditions ni la compétence de leurs prédécesseurs. De là une double conséquence : d’abord, la besogne sérieuse s’est vue de plus en plus abandonnée aux bureaux, ce qui explique l’immense développement de la bureaucratie municipale en Angleterre dans ce dernier quart de siècle ; puis la gestion des intérêts municipaux est devenue de plus en plus administrative ou politique, et de moins en moins business-like ou pratique, ce qui fait qu’en Angleterre même, dans le pays du business spirit, on se plaint que le municipalisme se montre pauvre en véritables hommes d’affaires comme en véritable esprit commercial.

Nous n’avons pas à discuter ici la question théorique de savoir qui gérera le mieux les grands services industriels d’une cité moderne, d’une réunion d’administrateurs rémunérés, actionnaires et choisis par les actionnaires d’une compagnie concessionnaire, ou bien d’une assemblée de conseillers au mandat gratuit, élus par les contribuables, c’est-à-dire par les consommateurs, et choisis d’ordinaire pour motifs politiques. Théoriquement, la réponse n’est guère douteuse. Quels que soient

  1. Op. cit., p. 26 et suiv.