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III

Peu brillans au point de vue financier, les résultats du socialisme municipal en Angleterre ont-ils été plus heureux au point de vue économique, c’est-à-dire au point de vue de la bonne gestion des intérêts matériels et de la « richesse » du pays ? Les industries municipalisées ont-elles été mieux gérées que les industries libres ? Régie ou concession, de quel côté s’est montré le succès ?

Notons ici que l’expérience anglaise s’est poursuivie depuis vingt-cinq ans dans des conditions particulièrement favorables, en ce sens que, grâce aux solides qualités de la race, grâce à l’esprit pratique et d’affaires, au respect de la compétence, à l’habitude de l’association, au bon sens populaire, toutes vertus civiques par où brille par-dessus tout autre le citoyen anglais, les administrateurs municipaux se trouvaient mieux préparés que partout ailleurs à leur tâche nouvelle de chefs d’industries. Voyez d’ailleurs, dans le fonctionnement de la machine administrative, la supériorité pratique de l’institution municipale anglaise : les aldermen (traduisons : les « anciens » du conseil) assurent la continuité de vues au sein de l’assemblée, en même temps qu’ils conseillent, et dirigent les membres nouveaux et inexpérimentés ; le maire, simple président, personnage représentatif, n’exerce point de pouvoir personnel ; chaque branche spéciale de l’administration est confiée à une Commission choisie par l’assemblée et qui peut s’adjoindre des personnes compétentes à son choix ; il y a parfois dans une même municipalité 15 ou 20 de ces Commissions responsables, dont les décisions sont revues et, s’il y a lieu, sanctionnées par l’Assemblée plénière, et qui, par la spécialisation du travail divisé, donnent au jeu de l’administration une souplesse et une spontanéité remarquables. Mais voici le drawback. D’abord, depuis vingt-cinq ans, les attributions des assemblées municipales ont tellement grossi que le temps manque pour l’étude attentive des affaires et la discussion sérieuse ; surchargées de travail, elles ont peine à venir à bout de leur besogne. Il y a bon nombre d’années déjà que lord Rosebery adjurait ses collègues de l’Assemblée de Spring Gardens de ne point accroître le fardeau déjà lourd de leurs devoirs : « Prenez garde, disait-il, ne cassez