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républicaines pour le triomphe desquelles les citoyens anglais seraient prêts, s’il le fallait, à descendre dans la rue[1] !… »

L’exemple et le précepte donnés par M. Chamberlain eurent en Angleterre un immense retentissement, et de ce jour, pendant vingt-cinq ans, les progrès du socialisme municipal dans le Royaume-Uni ne connurent plus de bornes. Le pays presque entier était gagné par la fièvre municipaliste, qu’attisèrent par leur propagande les diverses organisations socialistes nées sur le sol britannique à partir de 1884 ou 1885, Fédération sociale démocratique, Parti indépendant du Travail, Société Fabienne surtout. Quels furent les motifs invoqués par les Municipalistes à l’appui de leur doctrine ? Ce fut d’abord un motif d’ordre public : il ne faut pas laisser aux mains des individus, guidés et dominés par l’intérêt personnel, des services « quasi publics » de leur nature, constituant parfois des monopoles de fait dont les particuliers seront portés à abuser tandis que les villes ne les exploiteront qu’en vue du bien commun. Puis ce fut un motif d’ordre économique : les municipalités exploiteront mieux et à meilleur compte. Troisième motif, d’ordre social : c’est le devoir des autorités de travailler à améliorer les conditions du travail et à donner l’exemple aux patrons quant au taux des salaires, à la durée de la journée, etc. Dernier motif enfin, financier celui-là : les bénéfices réalisés dans la gestion des grands services urbains d’ordre quasi public doivent aller, non dans la poche des capitalistes, mais dans la caisse municipale, en réduction des impôts municipaux. Que valent tous ces motifs ? C’est ce dont nous tâcherons de nous rendre compte tout à l’heure.

Toujours est-il que le municipalisme est actuellement en Angleterre en plein épanouissement. Eau, gaz, transports en commun, lumière électrique, ce sont déjà chez nos voisins les vieilleries de la municipalisation : 193 villes anglaises exploitent directement leur eau, 265 leur gaz, 244 leur électricité et 174 leurs tramways. Voici qui est déjà plus nouveau : ce sont les villes qui fabriquent et vendent des appareils d’éclairage, qui parfois construisent des machines à vapeur et des dynamos. Beaucoup bâtissent elles-mêmes des maisons ouvrières ; d’autres possèdent un service municipal de téléphone, des bains publics,

  1. Dès 1870, M. Chamberlain avait publiquement déclaré sa sympathie pour le gouvernement républicain français, et déclaré que fatalement la République aurait son heure en Angleterre.