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d’indépendance : autorités de villes, de bourgs, de comtés, de districts, tous ces organismes, très nombreux, très divers, l’ont preuve, dans leur vie autonome, d’une souplesse et d’une habileté de gestion, d’une adaptabilité aux besoins, d’un sens des affaires publiques dont l’Angleterre a raison de s’enorgueillir, et que la France pourrait à bon droit lui envier. Notons que la multiplicité même de ces corps locaux, la variété de leurs fonctions, — des autorités spéciales étant par exemple préposées à l’exploitation d’un port, d’un canal, de docks maritimes, — semblait les prédisposer naturellement à élargir au gré des circonstances leur cercle d’action. De fait, les villes anglaises entrèrent de bonne heure dans la voie du socialisme municipal, non par préjugé socialiste, par application de théories préconçues, mais par pur opportunisme pratique. Dès 1822, Liverpool avait des bains municipaux, et des 1842 un lavoir municipal ; Sheffield racheta son service des eaux en 1830, Manchester en 1847 ; en 1867, treize compagnies concessionnaires de gaz avaient déjà été reprises par les municipalités. Mais ce n’est qu’en 1874 que la notion du socialisme municipal se vit méthodiquement raisonnée, posée endoctrine et prônée comme un Evangile nouveau, du haut de cette plate-forme devenue célèbre, la mairie de Birmingham, par la voix puissante de M. Joseph Chamberlain. En s’efforçant de faire de sa cité d’adoption, alors assez arriérée, la « citadelle du municipalisme, » M. Chamberlain obéissait d’abord à une idée financière, celle de procurer des fonds au budget communal ; et en effet, le rachat du gaz, très avantageusement opéré, assura à la ville un profit annuel de 42 000 livres sterling. Il obéissait, en abattant les slums, à un louable sentiment d’hygiène et de relèvement social : n’avança-t-il pas de sa bourse 10 000 livres sterling à la ville pour cet objet ? Il obéissait enfin, dans sa campagne municipaliste, à une arrière-pensée politique dont il semble surprenant que l’audace quasi-révolutionnaire n’ait pas effrayé les contemporains, comme elle nous choque aujourd’hui encore : « En vérité, nous deviendrons communistes, consciemment ou non, » disait-il à un banquet officiel en 1874, « car, bien que le mot de communiste sonne mal aux oreilles de quiconque se souvient des excès qui déshonorèrent les derniers jours de la Commune de Paris, il faut se rappeler que les chefs de cette Commune ont combattu pour le principe du self-government local, le principe de ces institutions