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dans mes ouvrages ultérieurs, aucune occasion de répéter cela même, ou l’équivalent, selon les circonstances.

Enfin vous m’annoncez votre jugement définitif sur moi-même et mon ouvrage. Je sais parfaitement que vos jugemens sont toujours ceux que vous dicte le cœur ; je sais aussi vos dispositions envers ceux qui ne vous sont pas complètement soumis, celles qui sont actuellement les vôtres : et vos dispositions à mon égard me disent assez, sauf les détails, ce que pourra être ce jugement. Il me trouvera donc tout préparé, quel qu’il soit. Vous devez être, maintenant, en train de lire mon livre, et je puis vous assurer que c’est bien plutôt pour vous que pour moi que je désire ardemment que cette corvée, puisque corvée il y a puisse être pour vous la source de quelque satisfaction. Salut et respect.


Le « jugement définitif » suivit de près les « vingt heures de corvée. » Jamais rien de plus violent n’est sorti de la plume de Comte. Il oublie en un instant les éloges qu’il a donnés à « l’un de ses meilleurs disciples, » les qualités de cœur et d’esprit qu’il lui a reconnues, les espérances qu’il a fondées sur lui : n’a-t-il pas pensé un jour qu’il pourrait le désigner comme son successeur[1] ? La lettre du 10 Charlemagne 69 (27 juin 1857) est un des derniers écrits de Comte, et peut-être, dans cette improvisation irritée, n’a-t-il pas toujours mesuré la valeur des expressions que son cœur blessé lui suggérait.


D’après la corvée exceptionnelle que j’ai scrupuleusement accomplie, je regrette de vous avoir qualifié d’avorté : l’expression était trop indulgente, car l’avortement suppose la fécondation, tandis qu’ici le mot vraiment convenable est finalement stérilité. Si, de votre lourde et prétentieuse publication, on écarte les nombreux passages que vous m’avez impudemment volés, il ne reste que de vulgaires tartines, où ne perce aucun aperçu secondaire qui puisse vous appartenir ; au lieu que les moindres écrits publiés sur le positivisme, depuis qu’il est complet, contiennent quelques vues accessoires effectivement propres aux auteurs correspondans.


Après ce préambule, Comte passe à l’émunération de tous les défauts du livre. Tous se ramènent, pour lui, à un vice radical : l’auteur a méconnu ou ignoré les derniers développemens du positivisme, il a lu trop tard, et quand déjà sa première partie était toute rédigée, le tome IV du Cours de politique positive. Quant à la Synthèse subjective, il peut se passer de la lire ; il ne la comprendrait pas. Il en résulte que son Exposition est

  1. « Je connais maintenant quatre jeunes positivistes éminens qui travaillent sérieusement à devenir prêtres de l’Humanité : ce sont MM. de Blignières, Lefort, Audiffrent et Foley. » (Lettre du 26 Frédéric 64 ; 30 novembre 1852.)