Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

particulière l’attachait à son frère Auguste, professeur au collège Stanislas, auteur d’un remarquable Essai sur Amyot, et surtout à sa sœur aînée, Gabrielle de Saint-Clair, morte à vingt-trois ans, dont il parle souvent dans sa correspondance, et à laquelle il a dédié son Exposition abrégée et populaire de la Philosophie et de la Religion positives. Célestin de Blignières fut d’abord l’élève d’Auguste Comte à l’institution Laville, qui préparait pour l’École Polytechnique, et ensuite à l’École Polytechnique même. Déjà vaguement épris des idées philosophiques du maître, il alla le trouver, et, comme il s’excusait de la hardiesse de sa démarche, Comte lui répondit : « Je regrette seulement que vos camarades ne fassent pas comme vous. » Comte sentait que l’élève allait devenir un disciple.

Dès lors, en effet, Blignières se met à étudier, quoique sans préparation suffisante, le Cours de philosophie positive. Sorti de l’École en 1845, comme sous-lieutenant d’artillerie, il est successivement en garnison à Metz et à Bourges. A la fin de 1848, à la suite d’une chute de cheval, il obtient un congé de convalescence d’un an, qu’il vient passer à Paris. Il se fait admettre alors parmi les membres de la Société positiviste, et il assiste régulièrement aux réunions qui se tiennent dans la maison du fondateur, rue Monsieur-le-Prince. Mais son adhésion au positivisme lui crée une situation difficile vis-à-vis de sa famille ; il est hautement blâmé par sa mère ; il sait qu’il ne pourra plus compter désormais que sur ses propres ressources. A l’expiration de son congé, en 1850, il est attaché à l’arsenal de Rennes. C’est alors que commence la correspondance ; elle dure jusqu’au moment où le disciple refuse de se plier à la soumission absolue que réclame le maître, et se range parmi les positivistes indépendans.

Aux approches du nouvel an, Célestin de Blignières écrit à Auguste Comte pour lui offrir ses vœux et lui exprimer sa reconnaissance. Il se propose d’étudier à fond et avec suite le Cours de philosophie positive. Mais il lui faudra tout un travail préparatoire, qui sera long. « Quand on sait véritablement quelque chose, on ne se fait pas d’illusion sur ce que l’on ne sait pas. » Il veut se rendre compte de l’objet de chaque science, des moyens d’investigation qui lui sont propres, de son rang hiérarchique, de ses divisions et de sa composition effective. Quant à prouver ses sentimens pour la doctrine positive en