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correspondances postales, télégraphiques ou téléphoniques, suivies d’expéditions de titres, de numéraire, ou, dans certains cas, de simples viremens opérés entre quelques maisons, suffisent à remuer des millions et à faire mouvoir les capitaux selon une sorte de loi des vases communicans, qui attire le trop-plein d’un pays vers le vide du voisin.


D’autre part, quels sont les inconvéniens et les avantages de placemens permanens faits en valeurs étrangères ? Les inconvéniens sont l’absorption d’une partie de l’épargne nationale, qui est ainsi distraite des emplois en rentes ou valeurs indigènes. Mais est-ce de gaieté de cœur et par négligence de leurs devoirs patriotiques que les Français achètent des fonds étrangers ? N’est-ce pas parce qu’ils y trouvent un revenu plus rémunérateur que celui que leur fournissent les titres français ? C’est là la seule raison de ces achats ; cela a été démontré, et il suffit de comparer les taux d’intérêt des titres étrangers avec celui de notre rente pour comprendre en vertu de quelle loi ces acquisitions suivent une progression régulière. Si une guerre éclatait qui nécessitât l’émission d’emprunts français importans, on verrait aussitôt le courant de sortie de nos capitaux s’arrêter et se porter avec empressement sur des rentes dont le taux devrait évidemment s’élever en raison de l’ampleur des appels faits au crédit.

D’ailleurs, quand on parle de sortie de capitaux, on évoque une image qui est de nature à induire en erreur et à provoquer des appréciations fausses. Ceux qui s’emploient en actions ou obligations étrangères ne sortent pas en réalité de notre pays, puisqu’ils restent la propriété de Français : tous les ans, ceux-ci en perçoivent les revenus et, à tout moment, ils peuvent en recouvrer la disponibilité par la vente des titres eux-mêmes. Bien entendu, il faut supposer que la valeur n’en aura pas baissé ou disparu : mais ce risque est inhérent à toute espèce de titre mobilier, et le soin du capitaliste doit consister à choisir des créances sur des États solvables ou des parts d’association dans des entreprises bien gérées. À cette condition, la migration de fonds à l’étranger n’a que des avantages. On pourrait même soutenir. — ce qui ne laisserait pas que de sembler paradoxal au premier abord, — que les fonds étrangers dans le portefeuille de nos compatriotes constituent, au point de vue de la fortune nationale,