Près de quinze jours se sont écoulés depuis l’effroyable tragédie de Lisbonne, et l’horreur qu’elle a provoquée n’a pas diminué dans le monde civilisé. La réprobation s’est exprimée de manières diverses, mais elle a été générale, et, en Portugal même, les partis qui semblaient devoir tirer quelque avantage du meurtre du Roi et du prince héritier ont tenu à désavouer l’attentat. En France, le gouvernement s’est fait l’organe du sentiment public devant la Chambre et le Sénat : le Parlement s’y est associé à l’unanimité, on peut le dire, en dépit de quelques protestations restées sans écho. Le roi dom Carlos était populaire chez nous ; il nous avait visités souvent, et la cordialité qui lui était naturelle lui avait valu beaucoup de sympathies. On lui savait gré d’avoir épousé une princesse française, devenue aujourd’hui la plus malheureuse des femmes et des mères, bien digne du respect qui l’entoure, et à laquelle il faut souhaiter de ne pas fléchir sous l’écrasant fardeau qui lui incombe. Le meurtre du duc de Bragance u ajouté à celui du Roi quelque chose encore de plus odieux. Les crimes de ce genre n’ont d’ordinaire pour résultat que de provoquer autour des survivans un mouvement de loyalisme, peut-être provisoire, mais qui va directement contre le but qu’avaient poursuivi les assassins. Nous ne croyons pas que celui qui vient d’ensanglanter les pavés de Lisbonne ait avancé les affaires des républicains portugais : rendons-leur la justice qu’ils ne le croient pas non plus, et qu’ils réprouvent l’assassinat de dom Carlos, tout en déclarant qu’ils n’en sont pas surpris.
Y a-t-il lieu de l’être, en effet ? Depuis quelques mois, la situation intérieure du Portugal était profondément troublée. Un ministre énergique, hardi, honnête, mais violent et brutal, essayait de corriger par la dictature des maux trop réels. Malheureusement