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civile du clergé, et terminait en affirmant que, obligé maintenant de quitter ses fonctions, il n’en resterait pas moins « le seul pasteur véritable » de la paroisse. En effet, malgré des dangers tous les jours plus sérieux, ce bon prêtre s’était obstiné à demeurer dans sa paroisse, d’abord librement, puis caché dans la maison d’un ami, dont il sortait, chaque nuit, pour aller exercer les devoirs de son sacerdoce. Surpris par une visite domiciliaire le 13 août 1792, il avait pu s’enfuir et s’était réfugié à Paris ; mais bientôt, ayant écrit et répandu à Vaugirard une seconde instruction pastorale, il avait été arrêté, et enfermé dans l’ancien couvent des Prémontrés. De là encore, cependant, le zèle de ses amis lui avait permis de sortir presque aussitôt, — sans que nous sachions au juste comment, — quelques jours avant les fameux massacres qui, selon toute apparence, ne l’auraient pas épargné. Toujours est-il qu’il avait pu se retrouver libre, vers le 14 septembre, et, sous la protection généreuse du maître-cordonnier Billaut, avait eu le bonheur de passer la frontière.


Les circonstances diverses de son emprisonnement et de son évasion, l’abbé de Préneuf n’aura point manqué de les raconter, au début des Souvenirs qu’il s’est mis à écrire en février 1795, dans la petite ville allemande de Prozelten, pour se distraire des tristesses et de l’ennui de l’émigration : malheureusement, les premières pages de ces Souvenirs ont disparu du cahier qui les contenait, de telle sorte que, sans doute, nous ignorerons toujours le détail des événemens antérieurs à l’arrivée de l’abbé dans les Pays-Bas. Mais tout le reste du cahier, au contraire, s’est conservé intact, et vient d’être retrouvé par un éminent lettré et érudit caennais, M. Vanel, qui a eu l’obligeance de nous le communiquer, avant la publication complète qu’il se prépare à en faire. Et c’est encore aux recherches patientes et sagaces de M. Vanel que nous devons d’avoir pu résumer, en quelques lignes trop rapides, la biographie de l’auteur de ces curieux Souvenirs.

Curieux, et tout remplis de renseignemens instructifs sur les hommes et les choses de leur temps ; mais surtout, comme nous l’avons dit déjà, infiniment aimables, avec un mélange de simplicité et de verve spirituelle qui suffirait pour légitimer l’entreprise de leur publication. D’un bout à l’autre du cahier, il nous semble entendre la voix même de l’abbé de Préneuf et le voir,