Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/900

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
UN PRÊTRE ÉMIGRÉ
(1792-1801)
D’APRÈS DES DOCUMES INÉDITS


I

Le 19 septembre 1792, un prêtre du diocèse de Paris, l’abbé Gilbert-Jacques Martinant de Préneuf, ayant réussi à franchir secrètement la frontière, arrivait au village flamand de Messines, proche d’Ypres, en compagnie, — ou plutôt sous la garde, — d’un brave homme d’ouvrier parisien qui, sans le connaître et sans rien savoir de lui que le caractère sacré de sa profession, avait tenu à braver tous les dangers pour l’aider à sortir de France. Encore cet admirable chrétien, — il s’appelait Joseph Billaut, et était maître-cordonnier dans la rue Saint-André-des-Arcs, — ne voulut-il point se reposer un seul jour avant d’avoir définitivement assuré le succès de son entreprise. Laissant l’abbé de Préneuf à Messines, il courut aussitôt jusqu’à Tournai, pour y obtenir des pièces officielles qui permissent à son protégé de résider dans les Pays-Bas ; et à peine revint-il de Tournai, le surlendemain, qu’il se remit en route pour sa rue Saint-André-des-Arcs : exemplaire bien caractéristique d’une race d’obscurs et touchans héros que l’on rencontre à chaque pas, dans l’étude des tragédies publiques ou privées de la Révolution. Quant au prêtre dont il avait facilité l’évasion, celui-là allait avoir à attendre longtemps encore, et parmi toute sorte d’épreuves cruelles, le jour où il pourrait enfin rentrer à Paris.

L’abbé de Préneuf était né à Gusset, le 7 février 1757, d’une