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en revendication de leur propriété, et c’est partout que ces procès en revendication se sont engagés. Quand le garde des Sceaux, dans son rapport, fait valoir que les liquidateurs n’ont pas provoqué les procès, puisqu’ils y ont été défendeurs, il joue sur les mots. C’est l’erreur initiale des liquidateurs et la prise de possession de tous les biens occupés qui ont à la fois provoqué les procès en revendication et donné aux liquidateurs le rôle défensif qu’ils n’auraient point dû avoir.

Ainsi, de prime abord, la distinction essentielle de la loi entre la congrégation et les tiers est méconnue. Ces derniers subissent tout de suite les rigueurs réservées à la congrégation seule.


III

La loi faisait au congréganiste une situation nette. Elle le considérait tour à tour comme congréganiste et comme individu. Comme congréganiste, il était suspect : sur tous ses actes pesait la présomption qu’il les avait accomplis pour la congrégation ; ainsi les dons et legs qu’il avait reçus autrement qu’en ligne directe depuis son entrée dans la congrégation, et de même les achats, ventes, échanges, etc. qu’il avait consentis étaient frappés de nullité, comme si la congrégation elle-même en avait été l’auteur, sauf son droit de prouver qu’il avait reçu personnellement dons et legs, qu’il avait acheté, vendu, etc. pour son propre compte. Au contraire, comme individu, le congréganiste, on l’a vu, pouvait reprendre tous ses biens personnels, c’est-à-dire ceux qu’il possédait avant son entrée dans la congrégation, et ceux qu’il avait recueillis depuis, soit par succession ab intestat, soit par donation ou legs en ligne directe.

Pour les biens apportés par le congréganiste, les successions ab intestat, les dons et legs en ligne directe, la loi disait qu’ils seraient « restitués. » Et il ne semblait pas qu’il dût y avoir ni lenteurs, ni difficultés. Le congréganiste justifiait-il, soit pour un immeuble, soit pour des valeurs mobilières, soit pour une somme d’argent, qu’il en était propriétaire avant son entrée dans la congrégation et qu’à ce moment, il en avait fait apport ? Prouvait-il de la même manière qu’il en avait hérité depuis, ou qu’il en avait été gratifié par dons ou legs de ses parens, de ses