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puissances, apporterait peut-être avec lui la solution de bien des difficultés toujours renaissantes. S’il vient à se réaliser, la Bulgarie le devra en grande partie à la sagesse politique du prince Ferdinand.

Toute la politique intérieure du prince a été faite en fonction de sa politique extérieure ; elle en explique les méandres, elle en fait saisir l’unité persistante à travers une série de ministères dont la succession est déconcertante pour nos esprits occidentaux accoutumés au parlementarisme ; la politique extérieure est le fil conducteur qui permet de trouver une continuité de volonté, une fixité d’orientation parmi les fluctuations des partis. Le prince, avec une rare dextérité, avec un mélange adroitement dosé de souplesse et d’autorité, a établi, en dehors des factions et au-dessus d’elles, son autorité personnelle. Sans jamais heurter de front un parti vraiment populaire, il a su tirer de chacun d’eux ce qu’il pouvait donner pour le bien du pays, attendant que la lassitude des uns et les appétits des autres aient fait désirer le renouvellement des ministres au pouvoir. Il a usé les partis et les hommes les uns par les autres. Les partis n’ont été pour lui que des équipes que, successivement, il a attelées au char de l’Etat dont il n’a jamais cessé, lui, de guider la marche. Certes, le prince n’est pas arrivé du premier coup à un pareil résultat, si avantageux pour la stabilité politique de la Bulgarie ; il a dû subir d’abord la domination de Stambouloff ; mais il avait compris que le terrible dictateur était une force et que, tant que l’indépendance de la Bulgarie serait en question, un pareil homme pouvait, en face des grandes puissances, accomplir une œuvre brutale dont ni son propre caractère, ni sa situation, ne lui auraient permis de se charger. Ce fut Stambouloff lui-même qui proposa des lois destinées à fortifier les prérogatives et les droits constitutionnels du Souverain.

Une dictature que n’excusent plus les nécessités d’un péril public ou d’une crise révolutionnaire ne tarde guère à devenir insupportable : cette heure arriva pour Stambouloff. Depuis sept ans, le prince supportait, sans impatience apparente, l’autorité du tout-puissant ministre, mais, à cette rude école, il apprenait son métier de souverain et il préparait l’avenir. Un jour vint, en 1895, où, la Bulgarie étant définitivement affranchie du régime russe, les circonstances parurent propices pour un rapprochement avec le Tsar : Ferdinand accepta la démission que