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TRENTE ANS D’INDÉPENDANCE
LA FORCE BULGARE

La Bulgarie libre fête les grands anniversaires de sa résurrection. Elle dément une fois de plus l’aphorisme trop souvent répété : « Les peuples heureux n’ont pas d’histoire ; » elle laisse éclater sa joie d’être enfin sortie des temps où elle n’avait pas d’autre histoire que celle de ses maîtres. Trente ans seulement ont passé depuis que les soldats d’Alexandre II, vaillamment soutenus par l’armée roumaine et les volontaires bulgares, ont arraché les deux versans du Balkan au joug cinq fois séculaire des Ottomans ; mais, dans la vie des peuples comme dans celle des hommes, les années de jeunesse paraissent les plus longues parce que les transformations y sont plus rapides. Sofia, en janvier, célébrait à la cathédrale de Saint-Kral le jour glorieux de sa délivrance. Au mois d’août dernier, les champs de Plevna s’animaient, comme au temps de Gourko et de Skobeleff, du fracas des armes et du chatoiement des uniformes. Ce n’était plus, cette fois, que l’image de la grande guerre ; les canons tonnaient inoffensifs ; leur voix, répercutée par les échos du Balkan, acclamait la présence, sur les champs de bataille historiques, aux côtés du prince régnant de Bulgarie, du grand-duc Wladimir, représentant le Tsar, et des généraux survivans de la grande guerre ; elle témoignait la persistance, ravivée par l’émotion des glorieux souvenirs, de la fraternité d’armes des vainqueurs de Shipka. Quelques jours après, Sofia en liesse inaugurait le monument du « Tsar libérateur, » qui se dresse devant le palais du Sobranié, comme une perpétuelle évocation