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maîtresse. C’était à Milan, dans le réfectoire de Sainte-Marie-des-Grâces, devant la Cène du Vinci. « Le Vinci médite, trouve l’acceptation, » écrivait-il au sommaire de ce mémorable chapitre, et méditant sur le Christ, il ajoutait :


Le geste de ses mains et ses traits qui sont, pour notre constante indignité, le plus douloureux des reproches, signifient qu’à comprendre tout et à distinguer la bassesse irrémédiable qui est à l’origine de chacun de nos sentimens, le sage, celui qui sait tout, pardonne tout. Tel est le mot suprême d’une connaissance complète et d’une méditation de la réalité ; c’est l’acceptation.


Oui, mais pas encore l’acceptation absolue, complète et vraiment libératrice. Tout pardonner est encore moins difficile et moins vivifiant que de s’accepter soi-même. Le poète était encore trop jeune pour tenter ce pas décisif. Du reste, il ne croyait pas non plus, à cette date, que l’acceptation fût le dernier mot de la pensée, de l’art et de la vie.


Accepter, disait-il encore, voilà le terme de ce sublime Vinci ; Michel-Ange, par un élan brusque, nous emporte bien au-delà.


C’est, je pense, vers cette époque d’aspirations tumultueuses que M. Barrès se procura les vastes reproductions des fresques de la Sixtine dont on nous le montre entouré dans son cabinet de travail. A un ami qui l’interrogeait récemment sur cette galerie surhumaine, M. Barrès avoua, dit-on, que son culte pour Michel-Ange avait un peu perdu de sa ferveur première. Insensiblement et malgré lui, il en était venu à se fixer le même terme que le « sublime Vinci. » Les Déracinés marquent une étape de ce retour. « Accepter, voilà ce que n’enseigne pas l’Université. » Ainsi formule-t-il lui-même le plus grave reproche qu’ait mérité Bouteiller, résumant d’ailleurs le fameux discours qu’il prête à M. Taine en « une doctrine d’acceptation. » Des deux inspirations de M. Barrès, la plus belle et la plus féconde est la seconde. Jadis, s’étant heurté à ses propres limites en méditant l’histoire de la Lorraine, il avait décidé d’effacer, s’il se pouvait, cette fatale ressemblance ; aujourd’hui, cette Lorraine où il se reconnaît plus que jamais, il l’aime, il la chante dans ses limites mêmes, comme saint François la Pauvreté. Dans le 2 Novembre en Lorraine, il lui élève le plus noble temple et, dans les Amitiés françaises, nous le voyons mettre