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RUSKIN ET LA VIE[1]

I
DE L’ESTHÉTIQUE À LA PRÉDICATION


I

Dans un des livres les plus lyriques de ce temps, M. Maurice Barrès, appelant à Venise les fantômes de neuf illustres voyageurs qui, de France, d’Angleterre et d’Allemagne, s’y succédèrent au cours du dernier siècle, proposait à la ville idéale cette compagnie pour conseil immortel, des Dix. Il réservait la dixième place, et ce n’est pas à Ruskin qu’il songeait à la donner. Les rêves et les pensées der Ruskin à Venise sont plus mémorables, peut-être, que ceux du Léopold Robert qui siège en cette assemblée, mais leur ordre était singulier. L’Angleterre en fut influencée pour longtemps, mais, seule, cette Angleterre industrielle et puritaine pouvait les comprendre.

À Venise, dès 1849, Ruskin se posa les deux questions suivantes : Quelle qualité d’âme et de vie collectives ont produit la splendeur d’une telle architecture et, réciproquement, quelles influences une telle architecture a-t-elle exercées sur l’âme de ses artistes et de ses ouvriers ?

  1. Sur la figure, la personne, le talent, l’œuvre générale de Ruskin, voir les études si brillantes et vivantes, aujourd’hui classiques, que M. Robert de la Sizeranne a publiées ici même, et l’ouvrage très complet et documenté de M. Jacques Bardoux. On s’est borné dans cet article et dans ceux qui suivront à étudier les idées morales et sociales de Ruskin dans leur relation avec l’Angleterre de son temps.