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s’en inspirât pas : il l’a fait d’ailleurs avec intelligence, habileté et fermeté. Nous n’irons, a-t-il dit, ni à Marakech, ni à Fez, et c’est une promesse qu’il faut enregistrer ; nous continuerons notre œuvre de police sur la frontière ; nous évacuerons Casablanca quand l’ordre y sera rétabli. En ce qui concerne l’emprunt, M. le ministre des Affaires étrangères a déclaré qu’il ne pouvait pas engager pour l’avenir la liberté du maghzen ; mais qui donc lui avait demandé de le faire ? Il ne s’agit que du présent, et il est clair qu’un emprunt est impossible aujourd’hui. En terminant, M. Pichon a répondu d’une manière indirecte au discours de M. Delcassé, en vue d’apaiser les susceptibilités que ce discours avait pu provoquer ailleurs, ce à quoi il a heureusement réussi. Il a affirmé que la France maintiendrait sa politique dans les limites tracées à Algésiras, et que, si elle appréciait comme il convenait ses alliances et ses amitiés, sa diplomatie ne se proposait d’isoler personne. La Chambre a applaudi très chaudement M. le ministre des Affaires étrangères, comme elle avait d’ailleurs applaudi M. Delcassé. Elle est si sensible à l’éloquence, qu’elle applaudit tout de peur de se tromper. Elle ne s’est d’ailleurs pas trompée en applaudissant M. Pichon, qui a dit des choses excellentes et a déclaré que la politique qu’il indiquait se présentait avec un tel caractère de nécessité que tout autre à sa place, M. Ribot et même M. Jaurès, seraient obligés de la suivre. — Je vous demande précisément de le faire, a répondu M. Ribot. — M. Pichon a paru croire que ce qui était vrai dans le présent l’avait été aussi dans le passé, et que tous les ministres des Affaires étrangères avaient suivi une même politique, parce qu’il n’y en avait jamais eu qu’une à suivre. Tous avaient donc eu le même mérite, et aucun n’en avait eu plus qu’un autre ; la République seule avait tout fait. Nous croyons que, sur ce point, M. Pichon a exagéré. Mais peut-être a-t-il voulu seulement faire rentrer dans l’alignement commun M. Delcassé, qui avait semblé vouloir en sortir un peu ; et il s’est modestement sacrifié lui-même pour mieux atteindre ce résultat. Il est plus juste de rendre à chacun ce qui lui est dû.


F. C.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.