Au mois de décembre 1083, l’impératrice Irène Doukas, femme d’Alexis Comnène, attendait ses couches dans l’appartement du Palais Sacré qu’on appelait « la chambre de la pourpre, » et où une ancienne tradition voulait que vinssent au monde les enfans impériaux, ceux que pour ce motif on nommait les « porphyrogénètes. » Le moment était proche ; mais le basileus, retenu par la guerre contre les Normands, était pour lors absent de Constantinople. Alors la jeune femme eut un beau geste. Comme elle sentait les premières douleurs, elle fit sur son ventre le signe de la croix : « Attends encore, dit-elle, petit enfant, jusqu’à ce que ton père soit de retour. » La mère d’Irène, personne raisonnable et sage, entendant ce propos, se mit fort en colère : « Et si ton mari ne revient que dans un mois ? En sais-tu quelque chose ? Et comment feras-tu d’ici là pour résister à tes souffrances ? » L’événement pourtant donna raison à la jeune femme. Trois jours après, Alexis rentrait dans sa capitale, juste à temps pour recevoir dans ses bras la fille qui lui naissait. C’est de cette façon qu’entra dans le monde, avec quelque chose de merveilleux dès sa naissance, Anne Comnène, l’une des plus célèbres et l’une des plus remarquables parmi les princesses qui vécurent à la cour de Byzance.