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l’ardeur de la foi, ni la force à supporter les épreuves, c’est seulement la faveur de mourir après avoir communié. Dans un choix d’oraisons publiées par Vérard, et empruntées textuellement à des livres d’Heures plus anciens, on lit cette prière : « Faites, Seigneur, que, par l’intercession de sainte Barbe, nous obtenions de recevoir avant de mourir le sacrement du corps et du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ. » Voilà pourquoi elle est souvent représentée (surtout dans les vieilles estampes du XVe siècle) portant un calice à la main. Voilà pourquoi tant de confréries pieuses, préoccupées avant tout de la pensée de la mort, l’avaient choisie comme patronne.

Avec cette logique que présentent souvent les créations populaires, on prêta à sainte Barbe des puissances nouvelles, qui ne sont que les conséquences naturelles de son merveilleux privilège. Puisqu’elle écartait la mort subite, elle devait protéger contre la foudre. Dans le Midi, le paysan prononçait rapidement son nom quand il voyait briller l’éclair. La cloche, qu’on sonnait à toute volée quand grondait l’orage, était souvent ornée de son image. Et, parfois, les hauteurs qui attirent le tonnerre lui étaient dédiées. Quand « par suggestion diabolique » on découvrit la poudre, on crut tenir le feu du ciel. Même violence irrésistible, mêmes coups imprévus. Souvent l’arquebuse éclatait aux mains du soldat. Qui pouvait protéger l’artilleur, le marin, le mineur, tous ceux qui maniaient la foudre, sinon la sainte qui détournait l’éclair ?

Ainsi allait s’étendant la puissance de sainte Barbe. Qu’on ne s’étonne donc plus de rencontrer l’image de sainte Barbe dans tant d’églises. Où n’avait-on pas besoin de sa protection ?

Au moment où la découverte de la poudre, multipliant les chances de mort subite, obligeait la chrétienté à recourir au patronage de sainte Barbe, un épouvantable fléau commença à dévaster la terre. La peste apparut. Depuis cette fameuse année 1348, « où, au dire de Froissart, la tierce partie du monde mourut, » elle ne quitta plus la France. Souvent on put la croire vaincue ; le XVe siècle la redouta moins que le XIVe ; mais, dès les premières années du XVIe siècle, elle éclata avec une violence nouvelle. Ce qu’il y avait de terrible, c’est que la maladie était presque toujours foudroyante. On était bien portant la veille, mort le lendemain. « La mort noire » était encore plus