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on voit tout ce que l’art leur doit. Elles ne se contentaient pas de faire faire des vitraux ou des statues ; elles en proposaient en même temps les modèles aux artistes.


V

C’est donc surtout par les confréries que s’est entretenu le culte des saints à la fin du moyen âge. Il reste à rechercher quels saints ces confréries ont honorés de préférence. Je parle surtout des confréries pieuses, car les confréries de métiers et les confréries militaires avaient d’antiques patrons que la tradition leur imposait.

Quand on visite les églises de la Champagne et de la Normandie, si riches en œuvres d’art du XVe et du XVIe siècle, on remarque avec surprise qu’il y a huit ou dix saints dont les images reparaissent sans cesse. On en trouve beaucoup d’autres assurément, — saints locaux, vieux évêques du diocèse, — mais ces huit ou dix reparaissent toujours. Si on étend ses investigations à d’autres provinces, ce sont les mêmes saints que l’on rencontre encore. Quelles raisons ont déterminé ces choix ? Pourquoi, par exemple, y a-t-il en France des milliers de statues de sainte Barbe ? Voilà le problème que nous devons maintenant essayer de résoudre. Il offre à l’historien de l’art un vif intérêt.

Le moyen âge a envisagé les saints sous deux aspects. Il y a vu de beaux modèles que l’on doit imiter, mais il y a vu aussi de puissans protecteurs qu’il importe de se rendre favorables.

Les œuvres d’art prouvent clairement qu’au XVe siècle, ce que les fidèles attendent d’abord des saints, c’est une protection efficace. On les honore en proportion des pouvoirs qu’on leur attribue, aussi voit-on des saints longtemps oubliés passer au premier rang.

Que demande le chrétien à ses célestes protecteurs ? La guérison de ses maladies ? — Sans doute ; mais au fond, ce n’est pas la mort qui lui fait peur : ce qu’il redoute cent fois plus que la mort elle-même, c’est de mourir sans avoir eu le temps de se réconcilier avec Dieu. La mort subite, cette mort que l’épicurien souhaite, que Montaigne trouve douce, voilà la grande terreur de l’homme d’alors. Il cherche s’il ne trouvera pas dans le ciel quelque puissant intercesseur qui le protège. Il en découvre plusieurs.