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l’Assomption de la Vierge telle que la jouaient les confrères.

D’autres vitraux, heureusement, subsistent, où le souvenir de ces jeux se retrouve. Les confréries firent mieux que de représenter des tableaux vivans : elles jouèrent souvent de véritables pièces. On sait que la plupart des Mystères consacrés à la vie d’un saint ont été demandés à leurs auteurs par des confréries pieuses. C’est pour une confrérie de Saint-Didier, à Langres, qu’avait été faite « la Vie et Passion de Monseigneur saint Didier ; » c’est pour une confrérie de Saint-Louis, établie à Paris dans la chapelle Saint-Blaise, que Gringore écrivit « La Vie de Monseigneur saint Louis. » Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien a été composé à la requête d’une confrérie de cordonniers. Les confrères jouaient souvent eux-mêmes l’histoire de leur saint. C’était, pensaient-ils, la meilleure manière d’honorer leur patron, et la plus méritoire. À Compiègne, en 1502, la confrérie de Saint-Jacques de Compostelle joua le Miracle de Monseigneur saint Jacques. Elle avait invité à cette fête d’autres pèlerins de Saint-Jacques, les confrères de Roye. Beaucoup de confréries de Saint-Jacques durent jouer ce fameux miracle : plusieurs même ne se contentèrent pas de le jouer, elles voulurent commémorer le souvenir de la représentation par un vitrail. En effet, si on étudie attentivement les vitraux consacrés au miracle de saint Jacques, on acquiert la certitude que les artistes qui les ont dessinés ne connaissaient pas le récit de la Légende dorée, mais s’inspiraient des souvenirs récens d’une représentation. Dans la Légende dorée, en effet, il s’agit de deux pèlerins, le père et le fils, qu’un hôtelier de Toulouse veut perdre, sans qu’on s’explique pourquoi. Il cache donc une coupe d’argent dans leurs bagages, et, le lendemain, il les accuse de la lui avoir volée. Ils ont beau nier, le juge décide qu’un des deux doit mourir, et, après une lutte de générosité entre le père et le fils, c’est le fils qui est pendu. Mais saint Jacques veille, et, trente-six jours après, le fils, miraculeusement sauvé, est rendu à son père. C’était là le récit traditionnel, et on le jugeait d’autant plus respectable qu’il se présentait avec l’autorité du pape Calixte.

Pour un poète dramatique, la matière était, il faut l’avouer, un peu mince. Aussi la légende, en se transformant ? en pièce de théâtre, reçut-elle quelques embellissemens. Une famille entière, — le père, la mère et le fils, — est partie pour Compostelle. Le fils est un gracieux adolescent dont le charme commence à