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feront fonction de cuisinier, de valet de chambre, de tireur de panka.

A ceux qui trouveront de pareilles distinctions puériles je répondrai que chaque nation se flatte ici-bas de posséder les meilleures coutumes, mais que certaines, sans prétendre modeler les autres à leur image, entendent jalousement conserver leurs mœurs et leurs traditions. C’est au régime des castes que l’Inde brahmanique doit d’avoir conservé sa physionomie propre et l’originalité de sa civilisation. Malgré son indiscutable faiblesse, elle a échappé à ses vainqueurs qui se sont fondus à son contact ou se sont juxtaposés, comme les musulmans et les Anglais, sans influer en rien sur ses destinées religieuses et ethniques. Et c’est pourquoi les conversions sont si rares parmi les gens de haute caste, et pourquoi, parmi les Brahmes, elles sont tenues pour la plus extraordinaire exception. Si, en temps de famine, les prosélytes affluent, dans certains districts, les missionnaires ne se font pas d’illusions. Ils acceptent, par charité, ces brebis qui ne tarderont pas à déserter le troupeau.

Et cependant, les missionnaires protestans, grâce aux ressources quasi inépuisables des sociétés bibliques anglaises, achètent alors les conversions en masses. On se réjouit fort dans les associations métropolitaines, en apprenant les extraordinaires succès de la propagande piétiste. Mais il y a beaucoup de déchet quand les temps deviennent meilleurs, et les missions évangéliques ne fatiguent plus la réclame quand il s’agit de déboires. L’histoire de l’Hindou au koudoumi, maintenant classique dans les fastes du Carnate, vous renseignera mieux là-dessus qu’aucun commentaire.

Cet Hindou appartenait à une caste assez haute pour que sa conversion au christianisme fût d’un exemple retentissant pour l’édification des Eglises. Le ministre auquel il s’adressa pour être instruit voulut faire honneur à l’évêque d’un néophyte de sa qualité. L’abjuration du pieux Hindou fournit l’occasion d’une cérémonie solennelle. Une montagne du North-Arcat, si ma mémoire me sert, fut choisie, pour que, de la plaine environnante, les fidèles eussent la vue entière de ce spectacle unique qu’offrait un homme de caste renonçant au vêtement d’erreur de l’idolâtrie. En pompe, l’évêque protestant coupa, de sa main, le koudoumi du converti, et en dispersa les crins aux quatre vents du ciel. Le koudoumi est cette mèche de cheveux que tout Hindou