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d’ « Etang du Diable. » Je m’arrête dans cette fastidieuse énumération. La conscience des archéologues a prévalu contre cette tendance. Le vandalisme des écrivains est moins à redouter dans ses effets que celui des briseurs d’images. Les noms se retrouvent. Une tête détachée disparaît…


Genji, 19 septembre 1901.

Le Chandraja Dourgan est la montagne méridionale de l’ensemble. Sa masse égale en étendue celle du Radjah Ghiri et la dépasse même, mais son sommet plus humble est beaucoup moins escarpé, et ses pentes sont plus déclives. L’éboulis énorme se prolonge assez loin dans la plaine du Sud, s’interrompt brusquement au Nord suivant une ligne droite rigoureusement perpendiculaire au dernier redan de l’enceinte, regardant ce qui fut le Pettou de Genji, et au grand étang du Tchokra Koulam. A partir de l’étang, la masse fuit vers le Sud-Ouest et demeure séparée du pâté de la Grande Montagne par cette ravine sablonneuse où passait jadis la route de Veltivalam. La suite des blocs perchés se relie donc, si l’on veut, à peu près, à ceux du Radjah Ghiri et porte des fortifications isolées, tours et châteaux en débris qui servaient d’ouvrages avancés. C’est de l’un d’eux, appelé Sakkili Drong, que certains occupans européens se sont autorisés pour baptiser le Chandraja Dourgan de cette dénomination péjorative, car Sakkili Drong signifie « Mont des Cordonniers, » sinon des « Savetiers. » Et ainsi dire du reste. Les missionnaires du XVIIIe siècle crurent peut-être avancer leur œuvre de conversion en ridiculisant ces grands souvenirs du passé. La tolérance religieuse date d’hier, encore qu’elle ne soit plus de règle aujourd’hui. C’est affaire d’époque. Le méfait des Bons Pères du temps jadis est de ceux qui se pardonnent, et ce ne sera pas moi qui ferai un grief à ces apôtres du Carnate de ces naïves transformations. Les services considérables qu’ont rendus les missions de l’Inde aux siècles passés, ceux qu’elles rendent encore chaque jour sont de ces œuvres sur lesquelles le temps ne mordra pas. La malveillance des sectaires ne prévaudra point de sitôt contre ces Pères du Désert qui s’avancent dans leurs voies en ne pratiquant que le bien. Il convient même d’admirer combien leur modération demeura humaine et prudente dans ces pays, malgré les instructions métropolitaines