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bonne époque, le XVe siècle, peut-être. Chaque pilier en porte quatre, une sur chaque face de sa base ; puis le style façonné à huit pans, monte nu jusqu’au chapiteau en T d’où tombent les pendans en cul-de-lampe. Les chapiteaux d’angle affectent la disposition d’une croix. Grâce à la hauteur où elles sont logées, les statues du gopura ont défié la race des Barbares, conquérans ou touristes. Pour quelque autre raison qui m’échappe, les pilastres extérieurs du sanctuaire n’ont pas été martelés. On en peut admirer les ornemens déliés et leur ceintre terminal, sommé d’un mufle de tigre.

Ainsi, me réjouissant de trouver encore autant à admirer sur ce mont désolé, j’atteins la grande pagode où jadis était honoré Vichnou. C’est là que furent prises sans doute les superbes colonnes qui entourent la statue de Dupleix sur la place de Pondichéry. Bien d’autres pierres sculptées ont été arrachées de ce temple du Krischna Ghiri où ne subsistent que les piliers des mandapams et les dalles des toits. Mais ces piliers valent entre tous par leur superbe exécution. Les grandes figures y sculptées, d’un pur caractère archaïque, se recommandent par ces mêmes proportions courtes et massives, par ces hautes mitres cylindriques que l’on observe sur les colonnes de Pondichéry. La tradition veut que celles-ci aient été expédiées par les Français en 1750, en souvenir de leur victoire, elle veut aussi que ce soit un don de quelque radjah de Genji. Les deux légendes sont également croyables. Mozafer Sing, après l’assassinat du soubab Nazir Sing, par le nabab de Kuddapah, acheté par Dupleix, dut sans doute offrir à son ami les colonnes de Genji avec quelques autres souvenirs de nature plus métallique. A cette époque, la trahison était assise sur chaque pierre du Carnate ; le soubab nommé de Dupleix ne tarda pas à mourir de la main d’un de ses anciens alliés (février 1751). Son successeur, Salabat-Sing, ne fit pas une meilleure fin ; il périt assassiné en 1763, par son frère Nizam Ali, à l’instigation des Anglais pour lesquels il nous avait cependant abandonnés sans vergogne quand commença de pâlir l’étoile de Lally-Tollendal.

Tel est, très sommairement décrit, ce Krischna Ghiri que les historiens du XVIIIe siècle appellent « Montagne des Anglais, D comme si le nom d’une divinité hindouiste eût été pour eux trop choquant. De même ils infligèrent au Chandraja Dourgan le nom de « Montagne de Saint-Georges, » au Tchokra Koulam le nom