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REVUE DES DEUX MONDES.

— Voilà, madame. Ce n’est pas si cher.

— Garde-les. D’où es-tu?

— De Bardonèche, en Italie. ^

— Comment t’appelles-tu?

— Luisa.

Marie-Louise, qui serrait dans sa main gauche une pièce de monnaie destinée à la quête, la tendit à l’étrangère qui la reçut sans y prendre garde, tant elle regardait, bouche bée et les yeux écarquillés, la jeune femme.

,— - Et moi? tu ne me dis pas merci? réclama, vexée, l’enfant dont la munificence ne voulait pas demeurer secrète. Luisa éclata de rire. Avec ses yeux neufs, elle était fort délurée, et revenant dans son enthousiasme au langage natal, elle désigna du doigt l’objet de son admiration :

— E bel la corne la Madonal

Les joues d’Elisabeth sempourprèrent. Le compliment la frappait, comme ces fleurs qu’on jette au visage dans les vegliones et qui flattent et font mal ensemble. Elle pressa ses enfans.

— Nous serons en retard. Entrons. Philippe Lagier, qui stationnait sur la place et qui avait suivi la scène, l’aborda, mais sans une allusion à ce qu’il venait d’entendre, afin de ne pas l’effaroucher. Ils étaient au bas du parvis. Elle posa le pied sur la première marche.

— Vous ne venez pas?

— Si... Cela vous surprend? J’aime les fêtes catholiques. Elles sont d’une incomparable poésie. Aujourd’hui j’entrerai pour trouver le printemps.

— N’y cher chez- vous pas autre chose? Elle souriait, de ce sourire mélancolique et inachevé qui s’harmonisait avec son expression effrayée. Mais elle-même avait-elle confiance en Dieu? Elle continuait de gravir le perron quand il l’arrêta, non sans un peu d’émotion, mais avec tant de respect :

— Ecoutez, madame, je vous trouve changée... Elle voulut plaisanter :

— Changée? Il paraît que c’est en bien. On vient de me le dire.

— Oui, les Italiens ont le privilège de crier ce que nous nous contentons de penser. Il ne s’agit pas de cela. L’hiver a ébranlé, un peu, votre santé. C’est visible. Il faut consulter...