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le ministère ; il ne faudrait pas en faire non plus un instrument de parti, et, pour cela, il importe que tous les partis y soient représentés. On ne saurait oublier que c’est un bonapartiste, M. Le Provost de Launay, qui a donné au Sénat le premier coup de cloche. Aussitôt la majorité républicaine s’est emparée de l’affaire, ne voulant pas en laisser tout l’avantage moral à la minorité, et elle a eu raison ; mais ira-t-elle jusqu’à exclure la droite d’un mouvement dont l’initiative est partie de ses rangs ? Ce ne serait ni équitable, ni habile. La commission d’enquête, chargée de faire la lumière, ne doit savoir rien à cacher à personne. La confiance qu’elle inspirera sera en rapport exact avec l’éclectisme de sa composition.


Les nouvelles du Maroc, depuis quelques jours, sont toutes militaires. Les unes viennent de la frontière algérienne : elles sont pleinement satisfaisantes. Les autres viennent de Casablanca : elles sont satisfaisantes aussi et, de plus, il s’y mêle des incidens qui leur donnent un caractère piquant. Il est permis de les prendre à ce dernier point de vue, car nos pertes ont été réduites à leur strict minimum, et c’est à peine s’il y a eu mort d’homme. Les pacifistes eux-mêmes puniraient se réconcilier avec la guerre ainsi conduite.

Le Conseil des ministres a envoyé officiellement ses félicitations et ses remerciemens au général Lyautey. Jamais témoignage de satisfaction n’avait été mieux mérité. Il aurait été facile au général Lyautey de faire contre les Beni-Snassen une expédition où un grand nombre d’entre eux seraient restés sur le champ de bataille, et personne ne lui aurait reproché d’avoir donné à ces ennemis sournois et obstinés une leçon sanglante qu’ils avaient certainement méritée. Mais, désireux avant tout de ménager ses propres troupes, il a mieux aimé faire une campagne purement scientifique, où il montrerait la supériorité de notre force intelligente encore plus que de notre force matérielle, et où il vaincrait par la précision, la sûreté, l’habileté de ses manœuvres. Ces manœuvres ont été conduites comme on développe un théorème de géométrie. Tout avait été prévu, rien n’a manqué dans l’exécution. L’ennemi s’est trouvé pris comme dans un étau dont les deux branches se seraient refermées sur lui. Son étonnement a égalé sa terreur : il en a été réduit à se soumettre, presque sans combattre, à toutes nos exigences. Nous avions pourtant affaire à des populations très belliqueuses. Les Beni-Snassen, pris individuellement, ne sont pas des adversaires négligeables ; mais ils ne savent que se battre, et le général Lyautey sait manœuvrer. Les dispositions