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de Toinette. Quant à celui du Chemineau, il eût reçu de M. Dufranne la grandeur et la puissance, si de personne il les pouvait recevoir. On n’eut jamais, avec de moindres moyens, plus de talent que M. Jean Périer (François) ; je veux dire plus d’intelligence, que plus de sentiment attendrit. Enfin il y a je ne sais quoi d’« intéressant » dans la voix de M. Salignac et dans sa manière de chanter.

Quant au maître de la maison, — il s’agit de M. Albert Carré, — on finit par ne plus savoir que penser de lui, par douter s’il fut envoyé pour la gloire de la musique ou pour sa ruine, pour mieux nous avertir ou mieux nous abuser. Avec un art sans pareil, avec une espèce de génie, il prête à des œuvres de néant l’apparence de l’être. Alors on l’accuserait volontiers de sortilège et presque de mensonge. Mais on se rappelle aussitôt que son devoir, — et notre plaisir même, ou notre consolation, — consiste en ces mensonges heureux, et, comme disait Renan, d’eutrapélie. Et puis, après le Chemineau, voici que M. Carré nous donne Iphigénie en Aulide, comme il nous donna précédemment Orphée, Alceste et l’autre Iphigénie. Il ajoute aux plus beaux, aux plus vivans chefs-d’œuvre, un surcroit de vie et de beauté. Alors, autant que nous le maudissions hier, et peut-être encore davantage, nous le bénissons aujourd’hui.

« Oyez peuple, oyez tous, » et voyez aussi Iphigénie en Aulide à l’Opéra-Comique, Hormis une seule et malheureusement trop notable exception, les interprètes en ont paru, non pas certes supérieurs, mais convenables. En MM. Beyle (Achille) et Ghasne (Agamemnon), surtout en Mlle Brohly (jeune, un peu trop jeune pour sa grande fille, mais intelligente Clytemnestre), le chef-d’œuvre de Gluck a trouvé de zélés serviteurs. Quelques degrés d’élévation, de noblesse, de style enfin, leur font défaut, mais quelques degrés seulement. Les chœurs ont montré de la vigueur et de la précision. L’énergie sans la rudesse, la plénitude sans l’empâtement, la simplicité sans la froideur, font décidément de l’orchestre de M. Ruhlmann un excellent orchestre sous un chef excellent.

Quant à la représentation visible de l’ouvrage, il semble bien que le mot de mise en scène aurait, pour la définir, quelque chose de trop matériel et qui sent le métier.

La matinée musicale et dansante organisée par Achille en l’honneur d’Iphigénie comprend une série de tableaux délicieux, qu’un bas-relief admirable termine. Une imagination classique, avec une certaine licence, en a réglé les formes et les couleurs, les attitudes et les mouvemens. Elle a mêlé parmi les danseuses et les captives une demi-douzaine