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Ce sont ses affaires et elles sont d’un genre où vraiment nous n’avons rien à voir. Nous ne demandions à ces époux aucune des confidences qu’ils nous font ! Il y a des choses qu’il faut savoir garder pour soi. Les personnages de l’Autre disent tout. Ce sont des gens très mal élevés.

La pièce de MM. Paul et Victor Margueritte a été médiocrement défendue. Mlle Cerny n’a donné au rôle de Claire ni personnalité, ni accent : elle y a été tout juste agréable. M. Grand, toujours le même dans tous ses rôles et d’un bout à l’autre de chaque rôle, a tenu le personnage de Jacques avec un emportement sans mesure et sans nuances. Rien ne donne moins l’illusion de la passion que la frénésie continue.

Puisque nous sommes à la Comédie-Française, il nous est impossible de ne pas dire un mot d’incidens qui ont mis toute la maison en effervescence, et dont on s’est occupé jusqu’à la tribune du Parlement. Nous n’avons rien à savoir ni de la façon dont les sociétaires se répartissent les fameux douzièmes, ni des rivalités d’artistes et compétitions personnelles ; et l’on se souvient peut-être qu’à l’époque où fut menée une ardente campagne contre l’administrateur de la Comédie, nous avons refusé de nous y associer[1]. Mais une question nous tient à cœur et elle nous appartient : celle du répertoire classique. Il est trop exact qu’il n’est pas en faveur à la Comédie. On aperçoit sans trop de peine les raisons de ce discrédit. Aussi bien nul n’en fait mystère. C’est l’un des premiers rôles de la troupe tragique qui faisait naïvement cette déclaration : » Quand nous jouons, le public reste chez lui. » Donc le répertoire attire moins le public que les pièces nouvelles et, partant, il assure de moindres recettes. En outre, l’interprétation en est plus difficile : pour paraître à son avantage dans un rôle moderne, un artiste a besoin de beaucoup moins d’étude, de savoir et d’intelligence, que pour être seulement un Rodrigue suffisant ou une Célimène passable. Conclusion. Les acteurs ne jouent les rôles classiques qu’à contre-cœur, par devoir ou par corvée ; ils ne doutent pas que ce ne soient autant de « pannes ; » et le répertoire est réduit à la portion congrue.

De Corneille on ne joue à peu près régulièrement que trois pièces : le Cid, Horace et Polyeucte. Il a fallu, l’an dernier, la « semaine de Corneille » pour faire remonter Pompée et Nicomède, qui n’avaient pas été joués depuis quarante-cinq ans. Rodogune

  1. Voyez notre article du 15 novembre 1899 : la Question de la Comédie-Française.