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puisse dire lequel des deux a trouvé le plus clair bénéfice à l’échange. Il n’en était pas de même il y a un demi-siècle. L’étude du ciel n’empruntait guère à la physique que les principes de la construction des télescopes. Tout ce que l’on savait ou croyait savoir de l’état des corps célestes était fondé sur l’aspect des images formées au foyer des objectifs. Arago avait bien indiqué comment, d’après le degré de polarisation d’une lumière, on pouvait juger si elle était directe ou réfléchie ; mais l’application de cette règle laissait dans presque tous les cas une grande marge d’incertitude. On savait aussi, depuis Newton, que la lumière émanée de chaque point d’un astre est susceptible d’être analysée, décomposée par son passage à travers un prisme. On avait reconnu depuis que le même effet peut être obtenu par l’interposition d’un réseau, l’âme de verre striée de traits fins équidistans. Qu’avec une fente pratiquée dans un écran de métal on isole de l’image du Soleil une fine ligne lumineuse, et l’on transformera celle-ci en une large bande colorée, traversée de nombreuses raies noires. La signification de ces raies, demeurées mystérieuses pour Wollaston et Fraunhofer, fut dégagée par une série de travaux qui ont illustré les noms de Foucault, Stokes, Angström, Kirchhoff et Bunsen. Chacune d’elles atteste la présence sur le trajet de la lumière solaire d’une vapeur absorbante de composition chimique bien définie. Si l’on porte cette vapeur à l’incandescence et si l’on projette sa lumière sur la fente du spectroscope où se formait l’image solaire, la nouvelle image finale comprendra, précisément à la même place, une ligne lumineuse.

L’interprétation serait relativement aisée si à chaque élément chimique répondait une seule ligne du spectre. Ce n’est pas le cas ; à beaucoup près ; tel corps que nous n’avons nulle raison de supposer complexe, comme le fer, donne des raies par centaines, disséminées dans tout le spectre visible et même au-delà, comme le montrent la plaque photographique et des thermomètres spéciaux, promenés dans les régions où notre rétine n’est point affectée. Certaines de ces raies, qui se détachent avec une intensité supérieure, servent de repères pour identifier les autres.

Plus de 20 000 raies ont été, jusqu’à ce jour, photographiées et cataloguées dans le spectre solaire. Des appareils plus parfaits en révéleront, sans le moindre doute, beaucoup de nouvelles.