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avant l’occupation française et alors que cette contrée jouissait d’une complète indépendance ? Mais, en Tunisie, nous étions certains que la ligne ferrée garantie par nous aurait un personnel et un matériel français, une direction française ; qui nous répond que les 100 millions de l’Emprunt marocain éventuel, garanti par la France, ne serviraient pas à payer des entreprises faites par des Européens de nationalité non française, par nos rivaux en Europe et au Maroc ? A aucun point de vue, un emprunt relativement énorme de 100 millions ou davantage ne paraît donc à conseiller. Si l’on jugeait indispensable de procurer au Sultan des ressources exceptionnelles nouvelles, — et il serait nécessaire à ce sujet d’avoir l’assentiment des puissances signataires de la Conférence d’Algésiras, — il ne faudrait pas lui avancer plus d’une vingtaine de millions en dix-huit mois ou deux ans, par exemple, et il conviendrait, pour trouver l’intérêt et l’amortissement de cette somme, de relever d’un dixième ou d’un huitième l’ensemble de tous les droits de douane.

On ne doit pas oublier que la France va avoir aussi des répétitions à exercer contre le Sultan du chef des opérations militaires qu’elle a été obligée de faire à Casablanca et sur la frontière algérienne ; il est difficile d’estimer à moins d’une vingtaine de millions l’ensemble de ces répétitions du gouvernement français. Il doit en établir le compte et le faire accepter par le Sultan ; il peut être opportun, de sa part, de ne pas en exiger immédiatement l’intérêt, d’ajourner à cinq ans par exemple le paiement annuel de cet intérêt ; mais il serait impolitique de laisser périmer cette légitime créance.


V

La situation que nous avons actuellement au Maroc peut se résumer ainsi : nous ne tenons pas le Maroc, c’est le Maroc qui nous tient. Tous nos efforts doivent tendre à nous en dégager. L’application des clauses de la Conférence d’Algésiras nous suffit.

Nous n’avons pas à nous immiscer dans les affaires intérieures du Maroc. C’est une imprudence que de prendre parti pour tel ou tel des compétiteurs au pouvoir ; naturellement, nous devons considérer le Sultan, aussi longtemps qu’il n’est pas renversé, comme le souverain du pays ; mais nous n’avons pas à le prendre sous notre protection effective, à nous faire son champion. Une