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première Chambre, le prince Charles de Loewenstein interpella : il demanda si les ministres du grand-duc reconnaissaient un Dieu au-dessus d’eux. Lamey, pour toute réponse, se contenta d’invectiver la brochure de Ketteler. Le prince Guillaume de Bade, qui présidait la Chambre, intervint à son tour : « Ce pamphlet, dit-il, est si antibadois, que ce serait un crime de trahison d’identifier l’opinion de Ketteler avec celle de la Chambre Haute. » On vit en effet la Chambre Haute repousser la mise en accusation de Lamey ; et le ministre préparait une seconde loi scolaire, lorsque la journée de Sadowa, entraînant la chute du cabinet, fit tomber le portefeuille de Lamey entre les mains d’un de ses subordonnés, Jules Jolly.

Le subordonné, depuis cinq ans, déplorait la tiédeur du maître ; il lui semblait que Lamey parlait trop, négociait trop, discutait trop, et que la question religieuse devait être traitée d’une autre façon. Elle était à ses yeux « l’une des premières pour toute l’Allemagne, même pour l’ensemble du développement humain ; » et l’on ne pouvait se plaindre que, théoriquement, il en diminuât l’importance. Mais, pratiquement, il voulait que les conflits religieux fussent réglés, d’une façon presque mécanique, par la magistrature, servante de la loi : « Ma tactique principale, expliquait-il, est de rendre toutes les collisions entre l’Etat et l’Église susceptibles d’une solution judiciaire : on y arrivera en frappant de pénalité toute infraction aux ordonnances de mitoyenneté édictées par l’État. » On eût dit souvent, à l’entendre, que le combat contre l’Église lui inspirait une sorte de satiété : « Cela m’entrave, disait-il volontiers, dans ma besogne d’unification nationale et d’organisation de l’enseignement public. » Apportant sa solution personnelle de la question cléricale, ayant des magistrats chargés de la mettre en vigueur, pourquoi continuait-on de l’obséder, à la Chambre, avec les affaires des prêtres ! Elles ne regardaient plus que les juges, et, s’il le fallait, les geôliers.

Volontiers Lamey se fût efforcé de prouver qu’entre sa politique religieuse et les déclarations législatives de 1860 sur l’autonomie de l’Église, il n’y avait pas d’incompatibilité. C’est un effort dont Jolly se fût dispensé. Pour lui, le libéralisme de 1848, dont on retrouvait encore quelques infiltrations dans la loi de 1860, n’était qu’une duperie. Ne pouvait être libre qu’un peuple affranchi de l’ « ultramontanisme ; » c’était donc travailler