Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu contestée. Au contraire, le programme d’un homme politique comme Jolly, tel qu’il l’exposait lui-même dès 1860, comportait l’émancipation de l’Église protestante : on relâcherait les chaînes dans lesquelles le souverain laïque l’avait trop longtemps emprisonnée ; les paroisses protestantes seraient gratifiées d’une liberté toute nouvelle ; et d’une pareille nouveauté Jolly croyait pouvoir attendre deux avantages : il espérait qu’à la faveur de cette indépendance des fidèles une réaction s’opérerait, bien vite, contre ce rigorisme dogmatique qui faisait détester l’orthodoxie protestante aux hommes d’État du « libéralisme ; » et puis il se flattait que l’exemple des paroisses protestantes, maîtresses d’elles-mêmes, serait pour les paroisses catholiques une séduction constante, une perpétuelle invite à secouer le joug de la hiérarchie romaine. La puissance bureaucratique avait asservi les deux Églises ; la puissance législative, son héritière, devait, d’après le plan de Jolly, émanciper l’une et asservir l’autre.

On avait, dans la loi de 1860, proclamé en principe l’autonomie de l’Église romaine ; mais, moins de deux ans après, s’engageait entre le ministère et Vicari, pour la nomination d’une supérieure dans le pensionnat de jeunes filles d’Adelhausen, une lutte pleine d’étrangeté. Parmi les religieuses de l’endroit, l’État avait son parti, et l’Église le sien ; l’État tenait bon pour sa candidate, l’Église pour la sienne. On finit par voir Jolly, le futur premier ministre, faire une descente au couvent, et revêtir, lui-même, de ses insignes religieux, la supérieure nommée par l’État : ainsi procédait-il en s’appuyant sur un arrêté gouvernemental de l’année 1811. On devine ce que pouvait être un pareil couvent, avec ses nonnes « libérales » et ses nonnes catholiques. Entre les unes et les autres, on se disputait au sujet des mots : « Loué soit Jésus-Christ, » que les enfans ont souvent sur les lèvres dans les écoles d’Allemagne. Les nonnes « libérales » détestaient cette formule ; une d’elles finit par la prohiber. Devant toute la classe, l’aumônier la gronda ; et l’Etat, alors, chassa l’aumônier. L’archevêque évoqua la liberté de l’Église ; c’était évoquer un fantôme.

On avait, dans les pourparlers avec Vicari qui suivirent la loi de 1860, promis à l’Église que les fondations pieuses dont elle disposait lui seraient fidèlement conservées ; mais tout de suite, par des biais ingénieux, l’administration revendiqua un certain nombre de ces fondations et en affecta le revenu à des œuvres