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d’ailleurs que de leur droit. Un des juristes qui travaillèrent le plus obstinément à faire déclarer invalide le concordat badois, le professeur Robert Mohl, avoue dans ses Mémoires, avec quelque désinvolture :


Juridiquement, la légitimité d’une telle déclaration était susceptible de quelques doutes ; et en tout cas, vis-à-vis du grand-duc, une déclaration de nullité était chose difficile, puisque la ratification était déjà un fait accompli ; mais la conviction que cette mesure était absolument nécessaire, et l’agitation qui allait croissant dans le pays, ordonnaient de passer outre à toutes réserves.


On passa outre, effectivement. Sous le souffle des tempêtes parlementaires, concordats et conventions s’effondrèrent, comme autant de châteaux de cartes. A la seconde Chambre badoise, l’assaut fut donné en 1860 ; tout de suite il fut victorieux ; et sans même attendre l’avis de la première Chambre, le grand-duc remplaça par un ministère libéral le ministère qui avait signé le concordat.

En Wurtemberg, même assaut, même victoire, même crise ministérielle, au printemps de 1861. En Nassau, la Chambre permit au cabinet de maintenir provisoirement la convention, pourvu qu’il présentât sans retard une loi sur les cultes. En Hesse-Darmstadt, la convention, cinq années durant, donna lieu à des batailles parlementaires, et comme en 1866 le ministère Dalwigk, qui l’avait signée, paraissait étrangement menacé par les manœuvres combinées de la Prusse et des partis anticléricaux, Ketteler prit l’initiative de concerter avec le grand-duc le retrait de la convention tant diffamée, afin d’enlever un prétexte au renversement de Dalwigk.

Rome avait eu le droit d’espérer, en signant les concordats, que les conditions d’existence de l’Église, dans le Sud-Ouest de l’Allemagne, étaient fixées pour longtemps ; une déception brutale survenait, dont le cardinal Antonelli, dans une lettre au roi de Wurtemberg, ne dissimulait pas l’amertume. Mais Rome, cependant, n’était pas complètement vaincue ; au lendemain de la rupture du concordat, l’Église était dans une situation meilleure qu’à la veille des premières négociations ; les dix années qu’elle avait traversées, et durant lesquelles elle avait cru, pendant une minute, toucher à un triomphe, marquaient pour elle un progrès. L’administration de Nassau et de Hesse-Darmstadt continua d’appliquer,