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un instrument de paix, était un engin de lutte ; qu’il fallait, entre l’Autriche et le reste de l’Allemagne, « tendre un cordon sanitaire. » Tolérerait-on, dès lors, que les petits États de l’Allemagne du Sud s’engageassent dans le sillon qu’avait tracé François-Joseph ? Il semblait qu’en négociant avec le Saint-Siège ces pactes successifs, ils eussent solidarisé leur propre politique religieuse avec celle de l’Autriche : les fractions de l’opinion germanique qui rêvaient de substituer l’hégémonie des Hohenzollern à celle des Habsbourg, et celle du protestantisme à celle du catholicisme, se flattaient, en sapant l’édifice des concordats, d’infliger à François-Joseph une nouvelle défaite.

Les anxiétés du protestantisme, les passions anticléricales, les susceptibilités de la raison d’Etat, les inspirations occultes du cabinet de Berlin se coalisaient entre elles : de là, l’incoercible poussée qu’exercèrent les campagnes anticoncordataires ; de là, aussi, leur prompte victoire.

On agita le pays avant d’agiter les Chambres. Dans le Wurtemberg, des pétitions circulaient contre le concordat, le synode évangélique se plaignait, la faculté de Tubingue protestait, et l’évêque de Rottenburg, espérant, ce semble, que cette effervescence tomberait d’elle-même, s’opposait à ce que les catholiques fissent des manifestations en sens inverse. En Bade, l’université de Heidelberg se mettait à l’œuvre ; le juriste Bluntschli, hostile à toute hiérarchie religieuse, déchaînait contre le concordat les colères de la presse ; la maçonnerie, les protestans « libéraux, » étaient à ses ordres et marchaient derrière lui. A Durlach se tenait un bruyant meeting ; les bourgeois de Fribourg, les universitaires de Fribourg obsédaient le grand-duc de leurs griefs ; et le ministre Stengel, évidemment trop optimiste, jugeait inutile que les catholiques pétitionnassent en faveur du concordat si violemment attaqué. Il semblait que les gouvernemens se fissent fort d’abréger ces querelles en invitant au silence l’un des deux partis. Mais la voix de l’autre parti devint bientôt assez impérieuse, assez souveraine, pour entraîner les votes des parlemens et forcer les gouvernemens à céder.

« L’Église romaine, déclarait en Bade l’historien Haüsser, aspire à rétablir sur le monde sa monarchie universelle, et, sous le cri séduisant de liberté de l’Église, à rétablir l’esclavage pour tous et la domination exclusive pour elle-même ; » et le prélat Mehring, en Wurtemberg, ne voulait pas entendre parler d’une