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nom de Vicari avait le don d’émouvoir les âmes lointaines, et le vieillard s’étonnait, au déclin d’une longue carrière sacerdotale, d’être ainsi devenu subitement le héros d’un drame auquel s’intéressaient en tous lieux les consciences fières.

Car, à leur tour, certaines voix protestantes lui portaient leur hommage. Dans la Gazette de la Croix, Ernest-Louis de Gerlach, à la grande colère de Bismarck, s’enthousiasmait pour le langage de Vicari, qui « rappelait les anciens évêques, les apôtres, » qui « répandait les bénédictions et le souffle de l’Esprit... » L’historien protestant Leo prophétisait que la bureaucratie serait vaincue : « Nous autres protestans, déclarait-il, nous pouvons bien aujourd’hui rendre grâces à l’héroïsme de feu Mgr de Droste, qui nous a appris à traiter les affaires ecclésiastiques auxquelles nous n’entendions rien. » Dans cette Allemagne où, trois siècles durant, l’Etat avait traité les surintendans évangéliques comme des préfets spirituels, des hommes tels que Leo, tels qu’Ernest-Louis de Gerlach, savaient gré à Droste d’avoir révélé et à Vicari d’avoir répété que les affaires de l’Église ne regardaient que l’Église.

Il est permis de croire que, pour la bureaucratie badoise, les rumeurs de la diplomatie avaient plus d’importance encore que les tressaillemens des âmes. On annonçait comme possibles des représentations de la France, qui avait même, paraît-il, offert ses bons offices de médiatrice. On annonçait comme probables des représentations de l’Autriche, et l’on pouvait se demander si déjà François-Joseph y préludait, lorsqu’il adressait aux prêtres du grand-duché, publiquement, le montant des amendes auxquelles ils étaient condamnés. L’agitation religieuse resserrait les liens entre Vienne et certaines populations catholiques du grand-duché, jadis sujettes des Habsbourg ; elles s’accoutumaient à regarder avec envie l’Empire d’Autriche. Le cabinet de Vienne, de son côté, insinuait fréquemment au cabinet de Carlsruhe qu’on pouvait lui demander son entremise diplomatique pour l’apaisement des âmes badoises. Viale Prela, nonce du Pape à Vienne, était tout prêt à reprendre l’entretien, et le concours même de la diplomatie autrichienne en aplanirait les difficultés ou en abrégerait les longueurs. Mais comme apparemment il déplaisait au ministère badois de s’engager dans une voie où il aurait pu paraître le satellite de Vienne, les pourparlers avec Viale Prela ne furent rien de plus qu’une préparation du terrain, et c’est par