Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entière prenait parti. Pie IX adressait à Vicari lettres sur lettres, pour le fortifier. Geissel, archevêque de Cologne, était confiant dans l’issue : « De même, écrivait-il, qu’en 1841 les troubles de Cologne ont tranché pour toute l’Allemagne la question des mariages mixtes, de même, d’un coup, le conflit de Fribourg tranchera toute une série de questions plus ou moins discutées relativement au droit des évêques dans les divers pays. » Diepenbrock, prince évêque de Breslau, offrait à son collègue de Fribourg la moitié de ses revenus. Ketteler préparait une importante brochure sur le droit de l’Église en Allemagne ; c’était son premier écrit d’évêque : il y remontrait que les droits souverains revendiqués par le grand-duc de Bade n’étaient que l’application à l’Église catholique des prérogatives possédées par le summus episcopus dans l’Église réformée, et que c’en était fait de la constitution du catholicisme, si Vicari cédait.

Dupanloup faisait traduire, pour son diocèse d’Orléans, les écrits pastoraux de Vicari ; l’Ami de la Religion, l’Univers, lançaient des collectes pour les prêtres badois, et Bismarck s’inquiétait à la diète de Francfort en voyant le clergé français prendre en main la cause de l’archevêque. Riancey proclamait, dans le Correspondant, que la souveraineté badoise se mettait au ban de l’Europe civilisée. Montalembert, envoyant son offrande pour la souscription de l’Ami de la Religion, qu’il considérait comme « un nouveau gage de la fraternité des peuples catholiques, » expliquait la portée du conflit.


Ailleurs, disait-il, ou a combattu pour un droit partiel, pour une liberté spéciale, pour un fragment de la vérité. Ici, c’est le droit tout entier de l’Église qui est en jeu : les évêques et le clergé du Haut-Rhin combattent pour maintenir tout l’ensemble des lois ecclésiastiques contre un pouvoir qui prétend ouvertement faire gouverner les âmes par des mains laïques. Sachons donc tendre une main fraternelle à ces prêtres allemands, que l’on emprisonne et que l’on dépouille parce qu’ils croient plus à l’infaillibilité de l’Église qu’à celle de la bureaucratie.


Pour remercier le Pape, les évêques, les laïques du monde entier, Vicari trouvait d’éloquentes effusions. Son imagination s’exaltait ; il voyait grand ; il avait des mots, des cris, que Doellinger ne pouvait lire sans pleurer. Il saluait, d’un beau geste de reconnaissance, cette « sorte de concile œcuménique dispersé par le monde et qui jugeait sa cause. » Jusqu’en Australie, le