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les argumens et les textes, vînt à la rescousse des courans émancipateurs déchaînés par l’année 1848, à la rescousse du principe formel de l’autonomie des Églises, voté par le défunt parlement de Francfort, et revendiqué par l’archevêque Vicari.

Il convenait que ce principe fût expliqué dans toutes les chaires. Le 14 décembre, l’archevêque invita ses prêtres à commenter à leurs fidèles, dans quatre prédications successives, le Mémoire des évêques de la province, où les griefs de l’Église étaient catalogués et défendus : les curés qui s’y refusèrent furent suspendus, et le chanoine Haiz, trop complaisant pour le gouvernement, fut révoqué de toutes ses fonctions à l’archevêché. A l’épreuve, l’État badois ne savait quelle compensation donner aux ecclésiastiques frappés par Vicari. Quel magistrat et quel préfet pouvaient rendre la paix à ces âmes sacerdotales ? Les promesses de la bureaucratie semblaient faire faillite, tout comme ses menaces. Les prêtres qu’elle avait induits en tentation n’avaient que faire de ses récompenses, et ceux qu’elle incarcérait ne se sentaient nullement amendés par ses punitions. Vingt années auparavant, s’il en faut croire Ketteler, une partie des prêtres badois était « assez près de l’apostasie ; » leur fidélité, maintenant, survivait à la plus grave des épreuves. Eussent-ils défailli, leur peuple les eût redressés. Ces paysans de Bade, qu’on avait vus naguère s’en aller en Alsace pour entendre des sermons, étaient demeurés croyans sous la houlette de curés incroyans ; leurs fêtes religieuses locales, leurs infatigables pèlerinages, avaient entretenu leur foi durant l’ingrate période où beaucoup de leurs pasteurs semblaient s’en désintéresser. Les presbytères avaient pu traverser une crise de libertinage, mais les chaumières étaient demeurées pieuses. Dans la partie qu’il engageait contre l’État, Vicari pouvait compter, en toute sécurité, que la ferveur même du peuple lui garantirait la docilité des prêtres.

Les deux partis luttaient à coups de brochures. L’une s’intitulait : « Catholiques, prenez garde ! » la police la traquait jusque dans les domiciles privés, mais n’en put découvrir l’auteur. L’État fit publier une riposte, qu’on répandit à profusion : l’archevêque y était accusé d’erreur dogmatique et d’» exciter les sujets à la violation de leurs sermens. »

Mais qu’importait désormais l’opinion publique badoise ? Le bruit fait à Fribourg avait d’immenses échos : la catholicité tout