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même, par le geste décisif de l’autorité suprême, par le Saint-Siège. Leur union entre eux, l’union de tous avec Rome, étaient deux faits nouveaux, qui déconcertaient l’inflexible routine des bureaucraties.


II

Hermann de Vicari, métropolitain de Fribourg, avait alors quatre-vingts ans sonnés. L’année 1773, où le Saint-Siège humilié sacrifia les Jésuites à l’absolutisme princier, avait vu naître les deux prélats qui devaient, en Allemagne, porter à cet absolutisme des coups décisifs : Droste-Vischering, émancipateur de l’Église rhénane, et Vicari, émancipateur de l’Église badoise. Tout jeune, Vicari avait été installé par Dalberg dans les bureaux de la chancellerie épiscopale de Constance ; il y avait là un autre ecclésiastique, qui s’appelait Wessenberg, et qui était, on s’en souvient, l’un des plus redoutables adversaires du « romanisme. » Avec le temps, les deux auxiliaires de Dalberg avaient pris des routes singulièrement divergentes ; et tandis que Wessenberg consolait l’amertume de sa retraite en aidant de sa science et de sa plume les mouvemens réformistes dont s’inquiétait l’Église, Vicari, à Fribourg, sous l’épiscopat de l’archevêque Demeter, avait mis quelque virilité à défendre les maximes romaines dans l’épineuse question des mariages mixtes. On l’eût fort étonné, cependant, si on lui eût révélé qu’à l’âge où le commun des hommes se prépare à la mort, il jouerait le rôle de confesseur de la foi. C’était un prêtre pieux, d’humeur douce, prompt aux élans de gaieté, plus prompt encore aux élans de charité. Sa bonté n’avait aucunes bornes, sa bonhomie n’avait aucuns dessous.

Il y eut quelque émoi dans les ministères et quelque frisson dans les consciences lorsque ce vieux prélat, le 16 juillet 1853, signifia paisiblement au gouvernement badois les désobéissances que les évêques étaient tout prêts à commettre. La liste en était longue : ils pourvoiraient eux-mêmes les cures, ils puniraient d’excommunication tout appel comme d’abus porté contre un jugement ecclésiastique, ils ne toléreraient la présence d’aucun commissaire d’Etat, ni à l’examen des séminaristes, ni aux élections capitulaires ; ils fonderaient à leur gré des séminaires et les dirigeraient à leur gré : ils publieraient les bulles papales sans demander licence aux bureaucrates.