Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/381

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

évêques, s’entendre pour réclamer ou pour résister. Ainsi firent-ils, et, dans cette initiative même, il y avait comme un affront pour la philosophie politique dont s’inspiraient les pouvoirs laïques. Chaque État voulait être le maître du morceau d’Église qui occupait son territoire, et voilà que ces morceaux se rassemblaient, s’organisaient, prenaient corps, et que ce corps avait une voix ; et chacun de ces morceaux, par là même, refusait de se laisser considérer et traiter plus longtemps comme une institution territoriale : la province ecclésiastique, armature religieuse dans laquelle étaient encadrés tous ces petits États, acquérait conscience d’une vie propre, indépendante, extérieure au fonctionnement de ces importunes souverainetés. Les évêques se donnèrent rendez-vous à Fribourg en mars 1851, et rédigèrent un Mémoire pour leurs gouvernemens respectifs. Qu’on les rendît maîtres de l’éducation de leurs clercs, qu’on leur permît de fonder des écoles catholiques, qu’on leur laissât le droit de diriger à leur façon la vie religieuse de leurs diocèses, et d’y multiplier confréries ou congrégations, et qu’enfin l’administration des biens d’Église cessât de leur être contestée : c’est à quoi se bornaient leurs exigences. La réponse gouvernementale tarda ; derechef, ils se revirent à Fribourg, en février 1852, et protestèrent une dernière fois contre « un système dont la pratique effective et logique entraînerait la ruine de l’Église dans la province. » Ce ferme langage recelait une menace : l’Église allait s’insurger.

Les deux premiers insurgés furent Ketteler, l’évêque de Mayence, et Vicari, l’archevêque de Fribourg. Ketteler, dès le mois de mai 1851, ouvrit à Mayence, sans autorisation préalable du gouvernement, un grand séminaire, ne dépendant que de lui, avec des professeurs par lui nommés, avec des élèves qu’il demeurait complètement libre, lui évêque, d’accepter ou de refuser : le ministère hessois ferma les yeux. Vicari, en mai 1852, repoussa sommairement, à la mort du grand-duc Léopold, l’incursion du ministère badois dans le domaine de la liturgie catholique. En toute souveraineté, la bureaucratie de Carlsruhe avait ordonné que, dans toutes les églises du grand-duché, une messe des morts serait dite pour l’auguste défunt, qui était protestant. Vicari commanda des sonneries de cloches, des discours funèbres, des prières, mais refusa, conformément aux lois de l’Église, le sacrifice de la messe. Le gouvernement